Par Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Dans les Etats des pays du Tiers monde, la principale réponse la plus appropriée et la pertinente, à la lutte contre la pauvreté pour la réduction des inégalités sociales, et sortir du sous-développement, est incontestablement la création d’emplois décents et durables, notamment en Afrique, dont la démographie galopante est son principal défi à relever dans ce XXI ème siècle qui commence.
C’est pour cette raison, qu’il est indispensable de déconstruire le mythe, savamment entretenu, qui veut que, la stratégie de promotion d’un secteur privé fort, constitué de nationaux et d’étrangers, peut répondre efficacement aux problèmes de chômage, de la pauvreté, et à l’immigration irrégulière à laquelle s’adonnent nos jeunes au péril de leurs vies.
Aujourd’hui, dans le contexte nouveau, qui est marqué par la crise sanitaire et économique mondiale, il est nécessaire de faire cette déconstruction, d’autant plus que s’ impose, pour s’en sortir, à tous les pays du monde, notamment africain, une plus grande intervention de l’Etat dans tous les domaines, notamment de la santé, de l’éducation et de la recherche, des travaux publics, des transports publics, de l’énergie, notamment renouvelable, de l’agriculture, de l’industrie, et des TIC.
C’est à cet effet, qu’il faut rappeler que, c’est bien l’investissement, qu’il soit public ou privé, qui crée des emplois, et non pas, principalement l’employeur privé, dont le but n’est pas la création d’emplois, mais l’obtention d’un maximum de profits pour son investissement, suite à sa politique de limitation au maximum de son potentiel d’emplois, qu’il cherche à tout prix, à précariser en contournant les législations du travail, partout dans le monde.
Cependant, l’investissement privé, surtout s’il est étranger avec le rapatriement d’une bonne partie de ses profits qui sont gonflés par ses pratiques d’optimisation fiscale, au lieu de les ré investir, devient ainsi un frein à la lutte pour l’éradication du chômage, et à la promotion de l’emploi décent, donc, une source d’aggravation de la pauvreté et des inégalités sociales.
C’est cette voie sans issu du Capitalisme libéral, même chez les grandes puissances occidentales, comme la pandémie de la Covid -19 l’a amplement démontré, que le FMI, la Banque mondiale et l’UE, continuent de nos imposer, en contre partie de leur soutien financier !
C’est pour cela, pour remédier aux effets négatifs, sur l’emploi, de l’investissement privé, ce sont avérés vains, les recours à des transferts sociaux publics massifs qui sont devenus de plus en plus insoutenables au plan budgétaire, et la promotion de l’auto emploi, à travers l’appui à la création de micro et petites entreprises dans une économie de marché libéral, qui connaissent une forte mortalité dès la première année de leur existence ; ce qui fait d’elle un éternel recommencement sans impact significatif sur le chômage et la réduction des inégalités.
C’est ce calvaire que vit au Sénégal, la «Délégation à l’Entreprenariat Rapide Femme/Jeune » (DER/FJ), qui fait face à la problématique de l’emploi des Femmes et des Jeunes, comme à un tonneau d’Adeline » !
Par contre, c’est l’Etat, par l’investissement public, qui cherche à maximiser tout son potentiel de création d’emplois décents et durables, tout en veillant à l’équilibre des finances des entreprises du secteur public, et à la gestion rentable de son secteur marchand, pour y dégager des bénéfices à réinjecter, en complément de ses ressources budgétaires, dans des investissements nouveaux, créateurs d’emplois, et dans l’amélioration des rémunérations des travailleurs et de leurs conditions de travail, ainsi que dans la Santé, l’Education et la Recherche scientifique, et autres services publics.
Dans cette perspective, une partie de l’investissement public devrait aussi être orientée vers la promotion de l’auto emploi, à travers la création de coopératives dans tous les domaines, pour y développer des emplois décents durables non- salariés, au profit de promoteurs de micro et de petites entreprises, de même que dans des coopératives agricoles destinées aux exploitations familiales dans le monde rural.
Ainsi, la DER F/J pourrait réorienter son intervention dans cette direction, afin de maximiser les effets de son investissement sur l’emploi, dans sa mission de promotion de l’auto emploi Femme/Jeune.
C’est pour cela, que l’investissement public est la réponse la plus appropriée à la lutte pour éradiquer la pauvreté et réduire significativement les inégalités sociales par le travail, et non plus uniquement par des transferts sociaux.
C’est aussi, par le puissant secteur public qu’il promeut, la voie royale pour appuyer l’émergence d’un secteur privé national fort, à côté d’investisseurs étrangers.
C’est dans cadre que prend tout son sens, le « Partenariat Public/ Privé », au profit d’un développement économique et social, qui élève votre coefficient de souveraineté nationale, et contribue efficacement à la lutte contre l’exclusivité sociale et territoriale, et les inégalités sociales, dans la perspective de l’éradication de la pauvreté.
En effet, au stade actuel du développement du capitalisme libéral, l’exemple de Singapour ou de la Corée du Sud, que donnent le FMI et la Banque mondiale, n’est plus reproductible en Afrique, comme il est avéré depuis les années 90 jusqu’à maintenant, avec leurs « Programmes d’Ajustement Structurel ».
Ainsi, sans un secteur public puissant, point de secteur privé national fort, comme l’a admirablement démontré l’exemple de la République de Chine.
Mais le besoin colossal en ressources budgétaires et extrabudgétaires de l’Etat qu’induit le développement d’un tel secteur public, nécessite le recours à l’endettement, dont les critères d’accès sont rendus de plus en plus contraignants pour nos pays, du fait de l’intervention des « Organismes de Notation » qui considèrent, artificiellement l’Afrique, comme une « Zone à haut risque pour l’investissement privé », d’où l’origine des taux d’intérêt exorbitants qui sont appliqués à ses emprunts, qui aggravent, sans fondement aucun, le niveau son endettement !
Dans cette situation, s’ouvre donc comme une alternative, le Capitalisme d’Etat qui s’appuie sur un secteur public puissant dans tous les domaines, tout en soutenant le développement d’un secteur privé national fort, et en créant des conditions attractives à l’investissement direct étranger, à l’exemple de la Chine.
Ce Capitalisme d’Etat est donc incompatible avec le maintien des critères de convergence budgétaire issus du Consensus de Washington que nous imposent le FMI et la Banque mondiale, qui plafonnent, arbitrairement, le déficit budgétaire à 3% du PIB, la masse salariale de l’Etat à 35% des ressources fiscales tout en exigeant une fiscalité la plus basse possible sur les revenus du Capital, et l’endettement public à 70% du PIB !
D’ailleurs, dans ce contexte de la pandémie de la Covid-19, même les ultra partisans e ces critères comme l’Allemagne, n’ont pas hésité à les suspendre sine die, comme du reste l’ont fait à juste raison, les pays membres de « l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest » (l’UEMOA)
Ce sont donc ces critères qui sont des « freins à notre développement » qu’il faudrait briser, comme le préconisait, à juste titre, le Président Macky Sall en Décembre 2019, lors du « Forum mondial sur la dette et le développement durable », tenu à Dakar, devant la Patronne du FMI et des Autorités de la Banque mondiale et de l’UE.
Le mythe de l’investissement privé créateur d’emplois, véhiculé par les théoriciens du capitalisme libéral, a duré suffisamment, pour que l’on doive, aujourd’hui, y mettre fin pour sortir de notre sous-développement et notre dépendance accrue.