Dans le secteur de la microfinance, l'encours des crédits distribués aux sociétaires et clients a progressé de 18% en glissement annuel, en s’établissant à 608 milliards à fin juin 2023.

L’ÉVOLUTION DES TAUX DIRECTEURS IMPACTE-T-ELLE LE NIVEAU DES TAUX DÉBITEURS APPLICABLES À LA CLIENTÈLE?

à la une Eco-Finance

A la faveur de la réforme de 1989-1993, le taux d’intérêt a été érigé en instrument pivot de la politique monétaire dans les pays de l’UEMOA, en droite ligne de la libéralisation des activités économiques et financières et eu égard à l’impératif d’approfondir les marchés de capitaux de la zone et de les adapter aux mécanismes du marché. La politique des taux d’intérêt est conduite à travers la politique d’open market, les interventions de la Banque Centrale sur ses guichets permanents de refinancement et les conditions de banque. Les taux de la BCEAO sont au nombre de quatre, le taux d’escompte, le taux des prises en pension, le taux des appels d’offres et le taux des bons émis par l’Institut d’émission. Les mesures successives de relèvement des taux directeurs de la BCEAO, c’est-à-dire les taux auxquels elle prête ses ressources aux banques commerciales, amènent à nous interroger sur ses effets sur les taux débiteurs appliqués aux clients.

Il convient toutefois de rappeler que ces décisions à portée communautaire surviennent dans un contexte de persistance des tensions inflationnistes et de renchérissement des conditions financières issues des marchés internationaux. Notre présente contribution situe la réflexion autour de l’analyse de l’impact d’une évolution des taux directeurs sur les taux débiteurs applicables à la clientèle financière, dans un contexte marqué par la libéralisation des conditions de banque. Pour y répondre, il sera question d’orienter notre analyse sur les principaux axes de discussions ci-après : – Un rappel sur la politique monétaire de la BCEAO en matière de fixation des taux directeurs ;

– Les principales dispositions régissant les taux débiteurs ; – Les modalités de détermination des taux d’intérêt débiteurs par les banques ; – Une analyse empirique sur faits stylisés de l’évolution des taux directeurs et des taux débiteurs. I. Bref rappel sur la politique monétaire de la BCEAO en matière de taux directeurs Le taux d’intérêt constitue le principal instrument opérationnel pour assurer la gestion de la monnaie. Trimestriellement, le Comité de Politique Monétaire arrête les taux de la BCEAO. Ces taux sont une base de référence de détermination du Taux Effectif Global (TEG) et des taux de sortie appliqués à la clientèle des établissements de crédit.

La politique des taux d’intérêt est conduite à travers la politique d’open market, les interventions de la Banque Centrale sur ses guichets permanents de refinancement et les conditions de banque. Le marché monétaire est le marché sur lequel les institutions financières habilitées échangent des liquidités avec la Banque Centrale ou entre elles. Il est composé des guichets d’intervention et de l’interbancaire. La Banque Centrale intervient sur ce marché pour apporter ou reprendre des liquidités dans le but d’encadrer les taux d’intérêt pratiqués sur l’interbancaire. Les interventions portent sur les opérations d’open market, les refinancements sur les guichets permanents et le guichet des avances intra-journalières.

Les appels d’offres ou opérations d’open market constituent le principal moyen d’intervention de la Banque Centrale et sont menés à travers la vente, la prise ou la mise en pension de titres ou d’effets. Ils comprennent les opérations principales d’injection de liquidités de maturité une semaine, de maturités longues comprises entre un (1) et douze (12) mois, les opérations de retrait de liquidités, les opérations ponctuelles de réglage et les opérations de cessions temporaires ou définitives de titres sur le marché interbancaire.

La politique d’open market s’exerce sur le marché monétaire et sur le marché interbancaire. Sur le marché monétaire, les opérations sont exclusivement réalisées selon une procédure d’adjudications périodiques à taux variables, organisées au niveau communautaire par l’Institut d’Emission. La pension constitue le principal guichet permanent d’allocation de ressources monétaires. Son taux ainsi que celui du marché monétaire ont valeur de taux directeurs.

I-Cadre général régissant les taux d’intérêts débiteurs

  1. Notion de taux d’intérêt et de coût effectif du crédit

D’une manière générale, l’intérêt est le prix à payer pour emprunter de l’argent ou recevoir de l’argent sous forme de dépôt ou autrement. Il peut également être considéré comme une prime à payer en contrepartie d’une mise à disposition, pour un temps donné, de sommes d’argent en faveur d’agents économiques du secteur réel ou financier. Il est exprimé en pourcentage généralement sous la forme d’un taux annuel. Le prêteur (banque notamment) cherchera à rentabiliser son prêt et aura comme principal souci de maintenir, au moins constant dans le temps, le pouvoir d’achat de la somme prêtée, par rapport à l’évolution générale des prix. Ainsi, on parlera de taux d’intérêt nominal et de taux d’intérêt réel obtenu en déflatant le taux nominal par l’inflation.

Pour ce qui le concerne, l’emprunteur (client) est plutôt

préoccupé par le coût effectif global de l’emprunt, c’est-à dire le taux d’intérêt, auquel les prêteurs ajoutent souvent diverses charges et commissions. En effet, les banques, les établissements financiers et les SFD font supporter à leur clientèle en plus du taux d’intérêt, divers coûts additionnels et des frais d’actes : commissions (d’engagement, d’attente, sur le plus haut découvert, etc.), frais de dossier, charges d’actes notariés, assurance, coûts indirects liés à l’immobilisation de dépôts non rémunérés constitués à la demande du créancier pour garantir ses actifs, etc.

  1. Principales dispositions réglementaires en matière de fixation de taux débiteurs

Comme tout prix, le taux d’intérêt peut être administré par la Banque centrale sous forme de taux fixe ou de seuil à ne pas dépasser, ou librement arrêté entre les parties contractantes. La libéralisation des conditions de banque intervenue à partir de 1993, s’est traduite par la suppression des taux planchers et le déplafonnement des conditions de banques. Les taux débiteurs applicables aux crédits à la clientèle sont libres et fixés d’accord parties, sous réserve qu’ils n’excèdent pas, tous frais, commissions et rémunérations de toute nature compris, le taux légal de l’usure.

Autrement dit, il appartient à la clientèle de négocier le taux de ses crédits avec son prêteur, sous réserve que le taux convenu, n’excède pas le taux légal de l’usure, tous frais, commissions et rémunérations de toute nature compris, fixé à 15% l’an pour les banques et à 24% pour les établissements financiers, les systèmes financiers décentralisés (SFD) et les autres agents économiques (Décision n°CM/ UMOA/011/06/2013 du 28 juin 2013 et Avis n°03-08-2013 du 29 août 2013 de la BCEAO).

Ces conditions de banque concernent notamment le taux de base et le taux débiteur maximum. Celles-ci sont communiquées par les assujettis au plus tard le 5 du mois suivant la fin de chaque semestre à la Banque Centrale, à la Commission Bancaire de l’UMOA, aux associations de consommateurs et observatoires de la qualité des services financiers, ainsi qu’à tout autre organisme similaire. Par ailleurs, la loi n°44/2020 relative au taux de l’intérêt légal traite de l’indemnité due au créancier, à titre de dommages et intérêts moratoires, par le débiteur d’un engagement qui s’acquitte avec retard de l’exécution de celui-ci. Il est calculé pour la durée de l’année civile sur arrêté du Ministre chargé des Finances.

Enfin, la loi n°45/2020 portant définition et répression de l’usure fait obligation aux établissements de crédit de mentionner dans tout contrat de prêt le taux effectif global (TEG) qui permet d’apprécier le coût réel du crédit octroyé à un emprunteur et la nécessité de prendre en compte, dans les frais entrant dans le calcul du TEG, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels.

III. Modalités de détermination des taux d’intérêt par les banques

  1. Survol de la littérature sur les déterminants des taux d’intérêts débiteurs

Les déterminants du comportement des banques en matière de fixation des taux appliqués à la clientèle sont analysés principalement à travers deux approches. Le premier modèle de l’analyse des déterminants des taux débiteurs repose sur le rôle d’intermédiation de la banque (Ho et Saunders (1981) entre les agents à besoin de financement et les agents à capacité de financement. Dans cette perspective, la banque doit faire face à l’incertitude liée au caractère asynchrone et aléatoire de l’offre des dépôts et de la demande des crédits. Selon cette approche, si les dépôts ne sont pas suffisants pour satisfaire la demande d’encaisse des clients, la banque est obligée de se procurer de la liquidité au niveau du marché monétaire à des coûts relativement élevés. En revanche, si les disponibilités excédent la demande de crédit, la rentabilité est affectée par la baisse des taux au niveau du marché monétaire.

Dans le prolongement du modèle de base de Ho et Saunders, Schumacher et Saunders (2000) estiment le modèle avec un panel international composé de 614 banques et observé sur la période 1988-1995. Ils montrent que les contraintes réglementaires et la volatilité des taux d’intérêt seraient les facteurs déterminants de la marge d’intérêt bancaire. Cependant, l’approche proposée par Ho et Saunders présente certaines limites. En effet, au-delà des aspects liés à l’incertitude, les banques supportent des coûts liés au processus d’intermédiation et subissent également l’environnement économique. Ces facteurs internes et externes affectent la rentabilité des banques.

 Déterminants du taux de base bancaire

Le taux de base bancaire est le taux que les banques commerciales appliquent à leurs meilleurs clients. Il doit être défini par chaque établissement en fonction du taux du marché monétaire auquel il ajoute une marge représentative de ses coûts gestion. De façon pratique, le taux de base bancaire est égal au taux du marché monétaire (TMM) ajouté aux frais de banque (FDB) : TBB = TMM + FDB. Dans ces conditions, il est logique de constater que les TBB n’évoluent pratiquement pas et les taux affichés d’un établissement à l’autre sont quasi identiques. Ils fluctuent ainsi entre 7 et 11% avec une concentration sur les 8% autour de la moyenne. La plupart des banques s’alignent sur le même taux en raison de la concurrence. Compte tenu des incohérences relevées dans la détermination du TBB, la BCEAO retient actuellement la terminologie de « Meilleur taux débiteur offert à la clientèle ». Il est déterminé par chaque établissement de crédit en rapport au taux moyen mensuel du marché monétaire (Décision CPM n° 397/12/10).

Source : Numéro 23 du premier trimestre 2024 d’Echos Finances

 

 

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