À propos de la sortie de M. Cheikh Oumar DIAGNE, Ministre conseiller, Directeur des Moyens Généraux à la Présidence de la République du Sénégal

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Pour ne pas mettre de l’eau dans le moulin des propos inédits de M. Diagne- c’est le moins qu’on puisse dire-, il faut procéder à une herméneutique nuancée de sa déclaration. Mais avant d’en venir à cette interprétation que nous voudrions encore une fois fondamentalement pondérée, il nous faut « amener » le sujet. Pour cela, nous allons nous appuyer sur un important texte de Fabienne Samson (Samson) qui nous sert de discours introductif à notre effort de compréhension des propos de M. Diagne.

Si la chercheuse française explique très bien dans son texte ce qu’elle entend par l’islamisation par « le bas » de la société sénégalaise s’entend, par contre, elle ne dit rien sur le comment de son islamisation par « la haut ». Effectivement, comme le souligne de façon très pertinente Samson, nul ne peut remettre en cause le caractère islamisé de la société sénégalaise. Le dire même est un secret de polichinelle.

Du reste, c’est dans ce contexte que feu abbé Léon N. Diouf rappelait notre manière d’être Église catholique au Sénégal. Donc notre problème n’est pas de remettre en cause le caractère islamisé de la société sénégalaise : elle l’est déjà ! Mais là, encore, il nous faut être plus précis sur le type d’islam en cours dans notre pays. Il s’agit justement d’un islam confrérique. Ce qui fait que jusque là, les propos de M. Diagne ne posent aucun problème : il faut donc faire très attention qu’en répondant à M. Diagne, on éclabousse l’Islam confrérique. Ce rappel important pour les croyants est surtout adressé aux catholiques qui seraient tentés de parler d’islamisation sans aucune précaution notionnelle au préalable.

En effet, c’est grâce à cet Islam confrérique que le dialogue islamo-chrétien a connu et connaît encore de beaux jours au Sénégal, notre pays. Ce qui fait que jusque là, nous n’avons jamais entendu un haut responsable de l’État tenir des propos aussi inqualifiables niant le caractère multicultuel de la nation sénégalaise. Là encore, je ne veux pas employer le terme « laïcité » pour ne pas tomber dans leur piège. Le constat donc est là : les propos de M. Diagne ne reflètent pas le caractère pluraliste en termes de religion de la société sénégalaise.

À ce que je sache, ce ne sont pas seulement des Musulmans qui travaillent au palais de la République. Il y a sans doute des Chrétiens et des Adeptes de la Religion Traditionnelle Africaine. Par conséquent, si on construit une mosquée au Palais de la République du Sénégal, il ne faudra pas oublier d’en faire autant pour tous les autres cultes.

Autrement, ce sera le deuxième mauvais signal qu’envoie l’exécutif sénégalais pour dire son parti pris en faveur d’une religion ou plus précisément d’un islam qui pour nous est tout sauf confrérique. Et puis qu’on dit jamais deux sans trois, on attend la troisième décision des nouvelles autorités sénégalaises en matière de politique religieuse islamique.

Frère Docteur Pierre-Marie Niang, Dominicain, Professeur d’islamologie au Centre Saint Augustin de Dakar

 

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