DE L’ART DE SE DÉTRUIRE SOI-MÊME, ÉLOGE D’UNE SOCIÉTÉ EN QUETE DE PAIX

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Ah, Sénégal, terre d’ombre et de lumière, matrice des âmes nobles et des esprits de grandeur ! Faut-il te voir sombrer dans ce marécage fangeux, où l’idéal républicain n’est plus qu’un souffle vacillant, effacé par les vents capricieux de l’ambition aveugle ? Nous voici au seuil d’une ère où la sagesse ancestrale, qui gouvernait autrefois le dialogue et l’union, cède la place à une cacophonie tonitruante, à des joutes verbales qui frisent la bataille rangée. Hélas ! Notre Sénégal, le pays des hommes dignes, glisse vers une comédie tragique où les protagonistes, travestis de drapeaux et de slogans, n’offrent plus que la triste parodie d’une unité brisée.

Ironie du destin : ceux qui se revendiquent d’une lignée de paix et d’hospitalité, ces fils de la “Teranga” aujourd’hui endimanchés de costumes et de slogans, ne songent plus qu’à l’affrontement, à l’incantation de vengeances. Un vent délétère souffle, porteur de rancœurs et de promesses de représailles, et s’immisce dans les consciences comme une brise insidieuse. Que sont devenus nos guides, ces poètes de la politique qui savaient, jadis, toucher les cœurs par leurs paroles sages et tempérer les ardeurs par leur verbe mesuré ? Ils sont remplacés par des briseurs de paix, prompts à dégainer la menace, à déclamer le verset de la riposte.

Ainsi s’avance la farce, s’amplifie l’absurde ! Voyez ce champ de bataille qui, hier encore, était la scène sacrée du dialogue, de l’échange. Le marigot politique est aujourd’hui une arène d’invectives. Ce n’est plus un débat d’idées, non ! C’est un carnaval de mots creux, une cavalcade de phrases enflammées. Les coups de poignards verbaux remplacent les accolades fraternelles, et la violence se faufile en silence, promettant de s’élever en maître d’un paysage en ruines.

À ce train, à ce rythme effréné, que devons-nous attendre, sinon la levée d’autres fractures ? Sociales, religieuses, culturelles… Les piliers invisibles de notre nation chancellent, les racines de notre arbre sont secouées, malmenées, au rythme des cris et des répliques enragées. Notre culture, autrefois louée, se retrouve aujourd’hui en lambeaux, victime de l’oubli, du reniement de l’héritage.

Mais nous garderons l’espoir, ô terre de Léopold, toi qui es l’empreinte même de l’Afrique aux yeux du monde ! Espérons qu’une étincelle de raison soufflera à nouveau dans l’esprit de ceux qui nous dirigent. Peut-être comprendront-ils qu’une société divisée n’est qu’un colosse aux pieds d’argile, une forêt prête à brûler au moindre éclat. Peut-être, ô Sénégal, renoueras-tu avec la sagesse, la mesure, et le respect qui t’ont si longtemps élevé, dans l’esprit des poètes et dans le cœur de tous ceux qui chérissent ton nom.

Et nous, spectateurs accablés, continuerons de veiller. Car si la lucidité ne peut apaiser le désordre, elle peut, au moins, en mesurer la déchéance.

 

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