Tous les observateurs s’accordent à penser que les élections législatives du 30 juillet 2017, vont marquer de façon incontestable, un tournant décisif dans l’évolution politique et démocratique de notre pays. Dans une semaine, les sénégalais et les sénégalaises vont aller aux urnes, pour élire les 165 députés dont 15 dédiés à la diaspora. Ce scrutin, à vrai dire, est inédit en raison de ses enjeux multiples.
La simulation organisée par l’ONG 3D, le 19 juin 2017, a le mérite de démontrer d’une façon absolument incontestable et claire comme l’eau de roche, que si chaque électeur prend les 47 bulletins, à raison de 4 minutes, au strict minimum, pour accomplir les actes de vote, dans un bureau de vote de 300 électeurs, il faudrait 2O H pour que tout le monde puisse s’acquitter de son devoir civique. Si l’on sait que l’article L. 66 du Code électoral fixe le nombre d’électeurs, au plus, à 600 par bureau de vote dans les communes et que l’article L. 63, stipule que « le scrutin ne dure qu’un seul jour et a lieu un dimanche », il ne fait l’ombre d’aucun doute que vouloir s’accrocher au principe du respect de la procédure de vote telle qu’elle s’est déroulée jusqu’ici dans notre pays depuis plus d’un siècle , c’est soit vouloir trois choses : soit que le scrutin ne puisse pas se dérouler du tout ; soit qu’il n’ y ait qu’une infime partie des électeurs qui votent le jour du scrutin ; soit étaler le vote sur plusieurs jours pour que tout le monde puisse voter. Dans tous les cas de figure, c’est contribuer à l’installation d’une situation de chaos, de perturbation et de désordre susceptible de déboucher sur une révolte et un soulèvement des populations contre le régime en place qui serait pointé du doigt comme seul responsable d’une telle situation chaotique .
Il est clair qu’il y a une partie de l’opposition qui caresse depuis très longtemps ces idées et qui ne rêve que de voir le chaos s’installer le jour du scrutin. Celle-ci n’est donc absolument pas intéressée aux élections et ne veut pas du tout qu’il y ait élection le 30 juillet 2017. Mais, puisque personne n’ose avouer publiquement qu’il ne veut pas que les élections ne se tiennent, on fait tout à travers des actes et de l’agitation, pour que le scrutin législatif n’ait pas lieu. Mais comme le dit l’adage, on ne juge pas un homme politique sur ce qu’il dit, mais sur ce qu’il fait, c’est-à-dire sur ses actes.
L’Appel que la tête de liste de la Coalition Gagnante Wattu Sénégal, vient de lancer, invitant les Sénégalais le 25 juillet, à envahir les préfectures et sous- préfectures pour exiger la distribution des cartes, et la population de Dakar et sa banlieue à se rassembler à la Place de l’Indépendance pour marcher jusqu’au ministère de l’Intérieur, en est une parfaite illustration. La logique qui sous-tend une telle initiative est de créer une situation insurrectionnelle dans le pays, car tout le monde sait que les cartes ne sont pas centralisées là-bas. Elles se trouvent dans les préfectures et sous- préfectures.
Pour remettre une lettre de protestation au ministre de l’Intérieur, au sujet des cartes d’électeurs, a-t-on besoin d’ameuter toute la population, l’invitant à se rassembler à un endroit aussi symbolique que la Place de l’Indépendance, pour aller à l’assaut du ministère de l’Intérieur, pour récupérer de soi-disant cartes d’électeurs ? Non, tout cela est cousu de fil blanc avec une main tout à fait visible et lisible.
Il est heureux de constater que la majorité des acteurs politiques a parfaitement compris que devant la situation inédite qui se présente avec ces 47 listes, que si nous voulons qu’il y ait élection le 30 juillet, il nous faut absolument faire des concessions sur les procédures habituelles de vote, trouver des compromis dynamiques susceptibles de préserver la crédibilité et l’image démocratiques de notre pays, en permettant à chaque citoyen de pouvoir s’acquitter de son devoir civique, le jour du scrutin. C’est cela le sens de l’adhésion d’une large majorité des acteurs politiques, aux propositions de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), sur le choix des 5 bulletins, le jour du scrutin.
Il reste maintenant un autre grand défi que tous les acteurs du jeu électoral et tous les citoyens doivent absolument relever, c’est celui du retrait des cartes d’électeur. Celles-ci, comme chacun le sait, ont été instituées par décret n° 2016-1536 du 29 septembre 2016 portant application de la loi n° 2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO. Aujourd’hui, beaucoup de problèmes se posent certes, mais nous devons les relativiser et les placer dans leur contexte. Il faut se féliciter des efforts très importants faits par la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) dans la confection et la production des cartes d’électeur et d’identité fusionnées.
L’objectif de départ d’enrôlement des électeurs que s’était fixé le ministère de l’Intérieur, avec la refonte partielle du fichier, était de 4 millions d’électeurs, pour une durée de 4 (quatre) mois. Le couple présidentiel a été le premier à se faire enrôler le 4 octobre 2016, pour lancer symboliquement la nouvelle procédure de refonte partielle du fichier. Ensuite le processus a commencé par la région de Dakar, pour servir de test dans la phase pilote avec une commission par département, puis par arrondissement, puis progressivement par commune. Ce fut la période d’affluence et de rush dans les commissions administratives, compte tenu de leur nombre très limité. A partir de janvier 2017, les commissions de l’intérieur du pays ont commencé à fonctionner, mais en nombre très insuffisant : 200, puis 300, puis progressivement jusqu’à 500.
Il faut dire que cette opération de refonte partielle avait la particularité de fusionner la carte nationale d’identité et la carte d’électeur, et exigeait la présence physique de la personne à enrôler. Bien plus, l’enrôlement ne pouvait pas se faire dans n’importe quelle condition. Le local devait être spécialement aménagé et le matériel de capture des informations biométriques très bien maîtrisé. Tout cela a fait qu’il était impossible de multiplier à l’infini les commissions administratives d’enrôlement.
Il convient de rappeler que lors de la Revue Technique du Code Electoral (CTCRE), tenue du jeudi 16 juin au mercredi 3 août 2016, l’opposition défendait l’idée selon laquelle, il était techniquement impossible d’enrôler 4 millions d’électeurs en 4 mois. Aujourd’hui, l’histoire ne leur a pas donné raison, car selon le MINT, le chiffre officiel de personnes enrôlées à la date du 21 juillet 2017 est de 6 214 178, contre 5 517 140 pour l’ancien fichier. S’agissant de la production des cartes d’électeur, la dernière situation donnée par la DAF, fait ressortir que plus de 5 042 437 sont produites et ventilées auprès des autorités administratives et dans les consulats.
On ne peut donc pas dire qu’il y a rétention des cartes par le gouvernement. Celles-ci sont bel et bien disponibles, vérifiables et vérifiées dans les commissions administratives et dans la diaspora. La balle est dans le camp des citoyens qui doivent venir retirer leur carte là où l’inscription s’était faite. C’est certainement, une difficulté majeure qui s’est posée, car avec la compétence nationale qui donne au citoyen la possibilité de s’inscrire là où il veut, la contrepartie est que c’est là où il doit retirer sa carte d’électeur. Ce qui n’est pas sans difficultés.
Mais, il y a lieu de se féliciter des nombreuses initiatives du MINT dans la dernière période : le déploiement de 1 125 commissions itinérantes pour la distribution des cartes d’électeur dans les différentes localités ; la mise en place d’un site d’information et d’un n° Vert (800 00 2017) ; le retrait des cartes d’électeurs dans les centres et lieux de vote. Evidemment, cela n’est pas sans difficultés, car il va falloir procéder à un recentrage des commissions en vue d’une redistribution, d’une ventilation et d’un acheminement des cartes vers les centres et lieux de vote.
Il va donc falloir s’attendre à un grand remue- ménage et un vaste mouvement au niveau des cartes qui vont transiter des commissions administratives vers les lieux de vote. Nous devons par conséquent faire preuve de patience, de tolérance et surtout de coopération et de participation positive dans la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions qui n’ont pour finalités que de faciliter à l’électeur le retrait de sa carte pour exercer son devoir civique.
L’histoire électorale de notre pays nous enseigne que les situations de refonte partielle ou totale du fichier ne sont jamais simples. Elles sont d’une grande complexité. Sous le magistère du président Abdoulaye Wade, avec la loi n° 2004-32 du 25/08/2004, qui a annulé toutes les listes électorales et a prescrit l’établissement de nouvelles listes basées uniquement sur une carte nationale d’identité numérisée, on se rend compte que pour un objectif de 3 millions d’électeurs qu’il s’était fixé sur une période de 6 mois au maximum, il a fallu 18 mois, ponctués de plusieurs prorogations de la période de révision, pour obtenir un fichier de 5.004.096 inscrits sur la base duquel les législatives du 3 juin 2007 ont été organisées avec 1.738.675 votants et 1.720.326 suffrages valablement exprimés.
Cette situation, comparée à celle d’aujourd’hui, est sans commune mesure, car le régime du président Macky Sall, en l’espace de 7 (sept), mois a obtenu plus de 6 000 000 inscrits. (Si on enlève la phase test d’octobre à décembre 2016). C’est là assurément, une prouesse à mettre à l’actif du peuple sénégalais, du président de la République et de son gouvernement, des acteurs du jeu politique, de la société civile, mais aussi du ministère de l’Intérieur et de ses techniciens, pour le professionnalisme dont ils ont toujours fait preuve.
De nombreux sénégalais se sont posés la question de savoir pourquoi la DAF n’a pas produit et livré immédiatement les cartes au fur et à mesure de leur production. La raison d’une telle situation découle du fait que notre dispositif électoral repose sur des séquences différenciées qui s’enchaînent les unes les autres et dont le respect est indispensable pour un déroulement du processus électoral dans son ensemble.
Après la période d’inscription sur les listes, suit nécessairement celle de la publication provisoire des listes, dite phase contentieuse, pour corriger les erreurs matérielles, rectifier les erreurs sur les informations électorales, contester les radiations abusives auprès du président du Tribunal Départemental… C’est dire que la fabrication et la production des cartes ne peuvent intervenir, en principe, qu’après la phase contentieuse, suivie de celle de la consolidation du fichier.
En définitive et en tout à état de cause, tout le peuple sénégalais doit donc se mobiliser, dans un formidable élan patriotique, pour retirer les cartes d’électeurs pour que le scrutin du 30 juillet se passe dans le calme et la transparence. L’Appel lancé par certaines forces antidémocratiques, pour créer des troubles et des perturbations dans les lieux de vote, avec la distribution des cartes d’électeurs jusqu’au jour du vote, pour que le scrutin n’ait pas lieu, n’est pas à prendre à la légère.
C’est facile de créer un désordre dans un centre de vote. Il suffit de provocations intempestives et répétées, pour amener les forces de l’ordre à jeter des grenades lacrymogènes dans un lieu de vote, pour perturber complètement le déroulement du scrutin, et accuser le gouvernement d’être responsable d’une telle situation. C’est dire que c’est le peuple sénégalais tout entier qui doit se mobiliser comme un seul homme pour être la sentinelle vigilante de la surveillance des élections du 30 juillet, pour qu’elles déroulent dans la transparence et la paix, pour permettre au drapeau de la démocratie sénégalaise de continuer à flotter plus haut et à toujours briller avec plus d’éclat et d’intensité dans le firmament des nations de progrès, de démocratie et de justice .
Ousmane BADIANE, Membre de la Cellule de Communication de Benno Bokk Yaakaar (BBY)