Walf Quotidien: De fortes manifestations de frustrations s’expriment au sein de la coalition Bby depuis la publication des listes. Cela ne risque-t-il pas de vous causer du tort dans cette élection ?
Abdou Fall: Il n y a pas de doute que des investitures dans le cadre d’une coalition de coalitions, ce qui est le cas de Bokk Yakaar, entraînent nécessairement des difficultés réelles d’arbitrage. C’est la prise de conscience de ces difficultés qui avait motivé la décision de confier au leader de la coalition, le président Macky Sall, la responsabilité d’en élaborer la mouture finale après qu’il ait, au préalable, défini avec ses pairs les critères de sélection à partir des propositions issues des sections où des consultations ont été possibles et des propositions formulées par les différentes entités de la coalition.
Mais les choix de Macky ont soulevé l’ire de certains alliés notamment l’Afp
A présent que la liste finale est validée, les instances habilitées de Benoo Bokk Yakaar sont en train de gérer au mieux les difficultés inhérentes à cet exercice difficile d’investitures dans un contexte de démocratie d’opinion où les médias jouent un rôle amplificateur des manifestations d’humeur des acteurs en compétition. Loin de moi l’idée de nier les difficultés liées à la conduite d’un tel exercice au sein d’une coalition de gouvernement et au sein des partis et organisations membres de celle-ci. Je reste cependant convaincu que la conscience des enjeux de cette élection et de la nécessité d’y aller en rangs serrés pour faire prévaloir les intérêts du pays en termes de stabilité et d’approfondissement des réformes engagées sont déjà en train de prévaloir sur les ambitions certes légitimes des uns et des autres, mais qui ne peuvent être toutes satisfaites dans le cadre d’une élection. Il convient cependant de signaler qu’aucun des partis et coalitions de partis n’a échappé aux mouvements d’humeur de responsables ou militants déçus des investitures. Ceci, pour dire que si ces réactions devaient avoir des conséquences sur le comportement électoral des concernés, l’opposition en souffrirait bien plus que la majorité. Mais il reste entendu qu’il est nécessaire de travailler aujourd’hui au perfectionnement des mécanismes, règles et procédures de gestion de la démocratie interne au sein des organisations politiques, syndicales et sociales de façon générale. Les partis politiques en particulier ont besoin de profondes réformes dans leur conception et leurs modes de fonctionnement.
Trouvez-vous normal que l’Afp qui est arrivée 3e à la dernière présidentielle se retrouve avec moins de députables que le Ps arrivé 4e ?
Je ne peux pas entrer dans ce débat. Je n’ai pas été au cœur des procédures qui ont abouti à l’adoption de ce schéma. Mais en tout état de cause, je puis affirmer sans risque de me tromper que le Président Moustapha Niass et son parti l’Afp continueront d’occuper la place honorable qui leur revient au sein de la majorité. Je suis de ceux qui ont parfaitement conscience du rôle majeur que le président Moustapha Niass a joué lors de la précédente législature pour assurer la stabilité des institutions et du régime..
Il est évident qu il y a encore des réglages à faire à l’intérieur de la coalition, mais je reste convaincu qu’on va y arriver. En dehors de l’Assemblée, il existe bien d’autres postures à partir desquelles on peut servir son pays.
Mais on a l’impression que Macky Sall ne supporte pas la contradiction au sein de sa coalition en limogeant tous ceux qui contestent ses choix.
Il faut s’entendre sur une chose: un parti politique reste une organisation qui fonctionne avec des principes et des règles. Il y a le temps du débat, le temps de la compétition interne et le temps du combat. C’est dans l’unité et la cohésion qu’on va au combat. Ceux qui décident de passer outre s’exposent eux même à la marginalisation, ce qui est bien dommage. Je reste cependant convaincu que d’ici les élections des solutions appropriées seront trouvées pour calmer les esprits et ramener tous à la raison. Mais, le plus important encore une fois c’est de travailler à l’avenir sur des règles admises par tous de gestion des compétitions au sein des partis.
Mais la politique c’est d’abord la démocratie dans les partis politiques.
Démocratie oui ! Mais non aux désordres et à la pagaille dans les rangs, de surcroît dans les moments d’aller au front pour un parti et une coalition qui portent la lourde charge de la gouvernance d’une nation. C’est pourquoi j’insiste encore une fois sur les règles à édicter d’un commun accord, de même que sur les missions de formation au sein des partis.
Pensez-vous qu’un scrutin crédible avec 47 listes peut être organisé?
Dans le cadre d’une démocratie multipartisane qui se paie le luxe au surplus d’autoriser les candidatures indépendantes à toutes les élections, il est mal venu de parler de crédibilité de scrutin parce qu’il y a pléthore de listes de candidatures. On ne peut vouloir une chose et son contraire : prôner la liberté d’association et vouloir en même temps dénoncer la liberté de compétition. Ce qui est véritablement en jeu, ce n’est nullement la crédibilité du scrutin qui ne peut en aucun cas être mise en cause dans une démocratie majeure comme la nôtre qui a achevé de faire la preuve de la fiabilité et de la maturité de son système électoral. Ce qui nous rattrape par contre, c’est le retard observé dans la définition de nouvelles règles d’organisation de notre système démocratique face à cette inflation de partis politiques dont la plupart d’entre eux ne peuvent se prévaloir d’une représentativité justificative des droits qu’ils réclament. Cela s’est déjà manifesté lors des élections locales passées et c’est ce qui se confirme dans ces élections législatives. Maintenant que tout le monde prend conscience que liberté doit bien rimer avec responsabilité, peut être que les conditions sont à présent mûres pour aller résolument dans le sens des réformes issues du référendum de 2016 en ce qui concerne la nécessité de réorganisation et de modernisation de notre système partisan.
Vous parlez d’une réforme des partis politiques, que proposez-vous?
Il est temps qu’on s’entende sur des règles qui permettent au moins de fixer un score électoral minimum pour la jouissance par les partis des droits qui s’attachent à une représentativité prouvée à travers les suffrages des citoyens, à l’instar de ce qui se passe sur le champ syndical. Et ceci sans préjudice de la liberté d’association qui reste un droit fondamental reconnu par la Constitution du Sénégal. Je suis tout à fait favorable au regroupement des partis en de courants politiques majeurs: libéralisme, socialisme,……
N’est ce pas là une vieille idée du président Senghor
On peut dire qu’historiquement il avait raison sur cette question. Ce n’était pas cependant acceptable à l’époque au regard du contexte de restriction drastique des libertés et des moyens iniques qui étaient mis en oeuvre pour y parvenir. Aujourd’hui que nous avons fait l’expérience du multipartisme jusqu’au stade actuel de saturation, c’est le lieu de se retrouver entre acteurs pour trouver en toute responsabilité les formules les plus adaptées.
Walf Quotidien