Le rapport de la Cour des comptes pour l’année 2020 continue de révéler ses secrets. Au Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT), la directrice générale Aby Sèye est épinglée pour avoir fait des recrutements sans appel d’offres. Son prédécesseur Dame Diop s’est offert une Toyota Prado à 30 000 000 F CFA, dont 21 000 000 F CFA à la charge du 3FPT, sans oublier les autres irrégularités du même acabit.
Le Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT), doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, a été créé par décret n°2014-1264 du 7 octobre 2014. Il est placé sous la tutelle technique du ministre chargé de la Formation professionnelle et technique et sous la tutelle financière du ministre chargé des Finances.
Durant la période sous-revue, deux directeurs généraux s’y sont succédé. Il s’agit de Dame Diop nommé par décret n°2015-383 du 19 mars 2015, et Aby Sèye nommée par décret n°2019-820 du 24 avril 2019.
L’audit qui a été diligenté avait pour principal objectif de déterminer si la mise en œuvre des activités du 3FPT s’effectue dans un cadre optimal et se traduit par une utilisation rationnelle des ressources mobilisées et l’atteinte des objectifs qui lui sont assignés. Selon le document, de 2015 à 2019, le personnel du 3FPT est passé de 34 à 60 agents, mais cette progression n’a pas été accompagnée par l’élaboration de tous les référentiels nécessaires pour une bonne gestion de ces ressources humaines.
D’abord, plusieurs recrutements ont été effectués sans appel à candidatures et sans constitution d’un comité de recrutement en méconnaissance des dispositions du manuel de procédures. Il en est ainsi du recrutement de l’actuel directeur administratif et financier (Daf) effectué sans appel à candidatures.
Sur cette question, la directrice générale Aby Sèye a indiqué que le recrutement du Daf s’est effectué après sélection et étude de trois curriculum vitae et a joint une validation du Conseil d’administration (CA) en date du 4 octobre 2019 à sa réponse. Or, elle avait pourtant assumé, en entretien, le recrutement du Daf sans appel à candidatures et n’avait pas joint à ses réponses les 3 CV annoncés.
Dame Diop se fait plaisir
Également, le CA a autorisé, par délibération du 18 février 2018, la mise en place d’un plan-car au bénéfice du personnel cadre suivant les conditions ci-après : le véhicule est subventionné par le 3FPT à hauteur de 70 % et remboursé par les employés éligibles à hauteur de 30 % sur une période de 60 mois. Cependant, il a été constaté que l’ancien directeur général Dame Diop a bénéficié de ce plan, par l’acquisition à son profit d’un véhicule Toyota Prado pour un montant de 30 000 000 F CFA, dont 21 000 000 F CFA à la charge du 3FPT.
Cet avantage n’est pas conforme aux dispositions du décret n°2014-1186 du 17 septembre 2014 modifiant le décret n°2012-1314 du 16 novembre 2012 fixant la rémunération des directeurs généraux, directeurs, présidents et membres des conseils de surveillance des agences qui prévoit, en son article 11, que le directeur général n’a droit qu’à un véhicule de fonction.
Interrogé sur cette question, M. Diop a confié que le plan-car vise à doter une catégorie d’agents d’un moyen de transport certes professionnel, mais, in fine, personnel. Également, il estime que les dispositions de l’article 11 du décret n°2012-1314 du 16 novembre 2012 déjà cité, suivant lesquelles les avantages en nature comprennent un véhicule de fonction à l’exclusion de tout autre élément, n’écartent pas la possibilité du bénéfice d’un plan-car. Il indique que le CA est allé dans ce sens, en autorisant l’octroi d’un plan-car au DG.
N’empêche que la Cour a maintenu son observation selon laquelle le DG n’a pas droit au bénéficie d’un plan-car et considère que la délibération du CA, du reste non produite, ne saurait valider l’octroi d’un avantage indu.
En outre, le rapport a montré que des postes d’affectation sont largement en dessous du potentiel des agents concernés. Il s’y ajoute qu’ils ont été affectés, sans lettre de mission ni fiche de poste, dans les pôles où les fonctions de responsable qualité et de responsable informatique ne sont pas exercées. L’utilité de ces agents dans leur poste d’affectation n’est pas établie.
Cette situation dénote une utilisation non optimale des ressources humaines, d’autant plus que les postes stratégiques qu’ils occupaient sont restés longtemps non pourvus. La DG Aby Sèye informe qu’un audit organisationnel a été commandité dans le but de revoir tous les processus liés aux ressources humaines (RH) incluant l’adéquation des profils aux postes.
Manquements dans l’évaluation des conventions signées avec les structures de communication
Le 3FPT a signé plusieurs conventions entre 2017 et 2019, avec des structures de communication pour accroître sa visibilité et atteindre ses cibles. Les plus visibles sont la RTS (49,5 millions) et le GFM (19,19 millions).
D’après le rapport, le 3FPT n’a pas élaboré de rapports sur la mise en œuvre et l’évaluation des conventions signées avec les structures de communication. Ainsi, les éléments relatifs au respect par le prestataire des obligations qu’il a souscrites ne sont pas fournis. Dans ces conditions, il est difficile d’apprécier la réalisation effective des prestations et leur conformité à la commande.
Il ressort des entretiens avec le personnel une insuffisance des cadres de coordination et de partage des informations, amplifiée par le réseau intranet non fonctionnel. Aussi, le défaut de planification et le caractère peu inclusif du processus d’identification des activités de communication expliquent la faible adhésion du personnel et les difficultés relevées plus haut. Au niveau des localités, le caractère non diversifié des supports de communication n’a pas toujours permis d’atteindre certaines cibles spécifiques (groupements féminins, organisations professionnelles, talibés, handicapés, analphabètes, etc.).
Le rapport souligne aussi que la faiblesse des activités de communication auprès des établissements de formation professionnelle et technique entraîne le défaut de maîtrise des critères d’éligibilité aux offres du 3FPT.
Ainsi, plusieurs responsables d’organisations de jeunes, notamment le Conseil national de la jeunesse, ont indiqué, à Saint-Louis et à Diourbel, que les jeunes en quête de formations ne connaissent pas suffisamment les possibilités offertes par le fonds. ‘’Pourtant, le 3FPT a effectué plusieurs publireportages portant sur des tournées, des formations déroulées, des colloques, des rencontres professionnelles. Cependant, l’exploitation de ces supports de communication n’est pas optimale, puisque le point de vue largement partagé est que les missions du 3FPT ne sont pas assez connues et vulgarisées’’, souligne le texte.
Absence de sincérité et de visibilité sur les ressources issues de la CFCE
Il ressort des entretiens que les services du ministère des Finances ont demandé au 3FPT d’élaborer ses budgets, entre 2015 et 2019, sur la base d’une prévision de ressources au titre de la Contribution forfaitaire à la charge des employeurs (CFCE) globale de 20 milliards F CFA. Ainsi, le 3FPT a juste appliqué à ce montant le taux équivalent à la part dont la gestion lui est confiée pour arrêter le montant de ses prévisions de ressources tirées de la CFCE.
Les diligences effectuées montrent que ce montant est fourni par le ministère des Finances de manière forfaitaire sans que celui-ci mette en œuvre les procédures nécessaires pour une évaluation réaliste des prévisions.
En effet, la CFCE versée étant égale à 3 % de leur masse salariale et les entreprises assujetties étant identifiées, il existe des éléments objectifs permettant d’obtenir des prévisions fiables. Cette situation traduit le manque de sincérité des prévisions au titre la CFCE et ne permet pas une planification optimale des activités de formation.
Il découle des documents reçus de la Direction générale des impôts et des domaines (DGID) que les recouvrements au titre de la CFCE, de 2017 à 2019, s’élèvent respectivement à 19 579 997 354 F CFA ; 25 612 984 016 F CFA et 26 803 705 194 F CFA. Ainsi, suivant le tableau de répartition, la part du 3FPT doit se situer respectivement 8 810 998 808 F CFA, 17 929 088 811 F CFA et 25 463 519 934 F CFA. Or, les prévisions de ressources et les réalisations effectives au titre de la CFCE ont évolué de 2017 à 2019.
Il est ainsi relevé des écarts entre la part des recouvrements de la DGID affectée au 3FPT et les réalisations inscrites dans les situations d’exécution du 3FPT de 5 051 275 810 F CFA en 2017, 8 476 066 455 F CFA en 2018 et 5 883 305 898 FCFA en 2019. Cette situation traduit l’inexistence d’une base formelle d’évaluation des ressources issues de la CFCE et la difficulté pour le 3FPT de s’assurer de la fiabilité des montants recouvrés.
En réponse, le ministre chargé des Finances indique que les montants relevant du 3FPT issus des recouvrements de la CFCE par les services de la DGID sont crédités sur le compte de dépôt du 3FPT domicilié à la Trésorerie générale sur la base des transferts de recettes effectués par les comptables assignataires desdites recettes (TPR et RGT). Il précise que ces transferts sont établis sur la base des bordereaux de reversement de la comptabilité des receveurs de la DGID, au regard des recouvrements effectifs. Il estime qu’il convient de s’assurer de la bonne répartition des recettes en amont. Actualité-Sénégal.
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