1. En quoi consistent les accords de pêche ?
D’une manière générale, les accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) ont l’objectif de garantir l’exploitation durable des ressources halieutiques, l’approvisionnement en poisson dans l’UE et le développement du secteur de la pêche dans les pays partenaires. L’UE a actuellement 14 APPD actifs avec des pays partenaires, dont le Sénégal. L’accord de pêche est un outil transparent, cohérent et mutuellement bénéfique de gouvernance de la pêche.
Les APPD ciblent exclusivement les stocks excédentaires qui sont définis sur la base des meilleurs avis scientifiques disponibles et leur gestion se base sur les recommandations des comités scientifiques mixtes bilatéraux institués dans le cadre des accords.
Ils visent à la conservation des ressources et à la durabilité environnementale, en garantissant la mise en oeuvre des lois et principes fondamentaux, à la fois, de l’UE et du pays partenaire. Ainsi, en ce qui concerne le Sénégal, les navires de l’UE sont uniquement autorisés à cibler les ressources excédentaires que le Sénégal ne souhaite pas ou ne peut pas exploiter, c’est-à-dire les thons tropicaux et le merlu noir. Il n’est pas question d’exploiter les ressources côtières que ciblent habituellement les flottes de pêche artisanales sénégalaises.
En échange, l’UE paie une redevance pour le droit d’accéder à la zone économique exclusive (ZEE) du pays partenaire, comme le Sénégal, ainsi qu’un soutien sectoriel adapté à ses besoins. Les armateurs européens versent également aux États partenaires une contribution financière basée sur la prise de licences de pêche et sur les captures réalisées dans leurs eaux.
La loi sénégalaise prévoit que les navires étrangers peuvent être autorisés à pêcher au Sénégal, mais seulement dans le cadre d’un accord de pêche ou dans celui d’un contrat d’affrètement (code de la pêche maritime, art. 27). A ce titre, l’accord de pêche entre l’UE et le Sénégal est, à notre connaissance, le seul accord de ce type qui soit public.
2. Est-ce que la présence des bateaux européens fait de la concurrence aux pêcheurs artisanaux ? Et est-ce que l’accord prend en compte la capacité de la flotte sénégalaise à exploiter les ressources octroyées aux européens ?
Les activités de la flotte de l’UE en dehors de ses propres eaux sont soumises aux mêmes principes que ceux appliqués dans les eaux de l’Union (entre autres : bonne gouvernance, recours aux avis scientifiques, transparence, non-concurrence avec les flottes artisanales locales, prise en compte des conditions sociales et de travail, contrôle des activités de pêche, inspections, etc.).
L’APPD entre le Sénégal et l’UE a été négocié de façon à ce que les activités des flottes européennes n’interfèrent pas avec les flottes artisanales nationales. Plus précisément, les navires de l’UE ne peuvent pêcher que 2 types de ressources au Sénégal : les thons tropicaux et le merlu noir qui ne sont pas des espèces ciblées par les pêcheurs artisans sénégalais.
Les quantités qui sont autorisées dans le cadre de notre partenariat restent dans les limites de l’utilisation durable des ressources et dans le respect des règles de gestion déterminées par les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) compétentes, notamment la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA).
3. Que répondez-vous à ceux qui accusent l’UE d’être à l’origine de l’épuisement de la ressource au Sénégal ?
L’évaluation des stocks halieutiques et la fixation des mesures de gestion sont fondées sur les travaux scientifiques menés dans le cadre des ORGP ainsi que sur la coopération scientifique entre le Sénégal et l’UE menée au sein d’un comité scientifique conjoint. Ce comité est composé de scientifiques sénégalais (du Centre de Recherche Océanographique de Dakar Thiaroye, CRODT) et européens et permet de suivre l’état des stocks halieutiques, afin de garantir la mise en oeuvre durable de l’APPD. Les résultats de ses travaux sont rendus publics sur le site internet de la Commission européenne.
A titre d’illustration, les captures des navires européens pêchant au Sénégal ont été, en 2023, de 2000 t de thons tropicaux et de 1 000 t de merlu, soit en tout moins de 1 % des captures totales au Sénégal, toutes flottes confondues. Ces données peuvent être comparées aux captures annuelles de la pêche artisanale qui sont de l’ordre de 400 000 t par an ces dernières années.
4. Est-ce qu’il y a un contrôle par le Sénégal des prises des bateaux européens ?
En vertu du protocole de mise en oeuvre de l’APPD UE-Sénégal, les autorités sénégalaises sont les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de pêche aux navires de l’UE qui respectent les conditions fixées par l’accord. Ces navires doivent transmettre aux autorités sénégalaises toutes les données relatives à leurs activités dans la ZEE du Sénégal, notamment les données de captures.
En outre, un suivi, un contrôle et une surveillance étroits des activités de pêche de nos navires sont effectuées par les autorités sénégalaises et européennes afin de garantir que les navires de l’UE respectent les règles prévues (suivi satellitaire, déclarations de captures par voie électronique).
5. L’accord de pêche permet aux navires européens de pêcher le thon et le merlu jusque dans la zone des 6 milles nautiques (11 km) réservée à la pêche traditionnelle. Qu’en dites-vous ?
Cette affirmation est fausse. Les navires européens pêchent bien au-delà de la zone réservée à la pêche artisanale. Le protocole en vigueur fixe de façon très précise la zone de pêche à laquelle les navires de l’UE ont accès. Elle est strictement identique au zonage prévu par la réglementation sénégalaise.
6. Quelles sont les espèces qui sont concernées par l’accord de pêche ?
Les navires européens concernés par l’accord de pêche sont autorisés à pêcher 2 types de ressources : les thons tropicaux et les merlus noirs.
7. Quels sont les quotas qui sont accordés aux bateaux européens pour les prises accessoires ?
Les appendices 2 et 3 du protocole déterminent les pourcentages de captures accessoires autorisés selon les navires de pêche :
– Pour les chalutiers ciblant les merlus noirs, 15 % des céphalopodes, 5 % de crustacés, et 20 % d’autres poissons démersaux profonds ;
– Pour les autres navires ciblant les espèces thonières, les captures accessoires doivent respecter les exigences de la CICTA et de la FAO.
Un suivi, un contrôle et une surveillance sont effectuées par les autorités sénégalaises et européennes afin de garantir que les navires de l’UE respectent ces règles.
8. Quel est le montant de la contrepartie financière pour le droit d’accès aux eaux sénégalaises ? Et que répondez-vous à ceux qui disent que la contrepartie financière est très faible, inacceptable ?
D’après le protocole actuel signé par l’UE et le Sénégal, la contrepartie financière est de 1 700 000 euros par an pendant 5 ans, soit 800 000 euros en tant que compensation financière pour l’accès aux zones de pêche et un montant spécifique de 900 000 euros par an, en tant qu’appui à la mise en oeuvre de la politique sectorielle de la pêche du Sénégal. De plus, le protocole estime à 1 350 750 euros par an pendant 5 ans le montant des redevances payées par les armateurs, si le nombre maximum de navires autorisés à pêcher était atteint.
Au total, c’est un montant d’environ 15 250 000 euros (10 milliards de F CFA) que le Sénégal recevra au titre du protocole de pêche avec l’UE, sur la période 2019-2024 (le protocole de mise en oeuvre, d’une durée de 5 ans, se termine en novembre 2024).
9. Est-ce que les deux parties effectuent un état des ressources halieutiques concernées (état des stocks) avant le renouvellement de l’accord ? Les résultats sont-ils disponibles au public ?
Avant l’expiration d’un protocole de pêche, l’UE est tenue de mandater un évaluateur indépendant pour mener une étude sur l’application de l’accord. Cette évaluation permet notamment de constater l’état des ressources et de consulter les parties prenantes et la société civile. L’évaluation sur le protocole actuel 2019-2024 est encore en cours et sera publiée sur le site internet de l’UE.
Par ailleurs, tout au long de l’application du protocole, un comité scientifique conjoint composé de scientifiques sénégalais et européens se réunit pour évaluer l’état des ressources concernés. Les rapports de ce comité sont publiés sur le site internet de l’UE (voir : liens utiles).
12. Est-ce qu’il y a une dimension « création d’emplois » dans les accords ? Est-ce que l’accord de pêche a une dimension économique et sociale ?
Les APPD conclus avec des pays africains exigent que les armateurs de l’UE embarquent des pêcheurs locaux. Cette disposition garantit que les pêcheurs du pays partenaire ne soient pas laissés pour compte lorsque les navires de l’UE pêchent dans leurs eaux. Dans le cadre du protocole actuel, l’obligation est la suivante (chapitre V de l’annexe) :
- pour la flotte des thoniers senneurs et palangriers, 25 % au moins des marins embarqués pendant la campagne de pêche thonière dans la zone de pêche sénégalaise seront d’origine sénégalaise ou éventuellement d’un pays ACP ;
- pour la flotte des canneurs, 30 % au moins des marins embarqués pendant la campagne de pêche dans la zone de pêche sénégalaise seront d’origine sénégalaise ou éventuellement d’un pays ACP ;
- pour la flotte des chalutiers, 25 % au moins des marins embarqués pendant la campagne de pêche dans la zone de pêche sénégalaise seront d’origine sénégalaise ou éventuellement d’un pays ACP.
Les navires de l’UE sont également tenus de débarquer une partie de leur pêche dans le port de Dakar. Cela a un impact direct et positif sur la création d’emplois locaux, pour le port et le secteur de la transformation. En bilan, cela représente plusieurs dizaines d’emplois temps plein directs et indirects qui sont générés par l’activité des navires européens actifs dans le cadre de ce partenariat de pêche
(d’après des données provisoires fournies dans le cadre de l’Évaluation de l’accord de pêche qui sera publiée prochainement).
13. Qu’est-ce que le Sénégal gagne dans ces accords ? Qu’est-ce que l’Europe y gagne ?
Dans le cadre des APPD, les pays partenaires, comme le Sénégal, reçoivent une contribution financière en 2 enveloppes (voir question n° 9), l’une pour l’accès aux zones de pêche et l’autre pour le soutien au développement du secteur local de la pêche. Cette dernière enveloppe (4 500 000 euros, sur 5 ans) vise à soutenir le secteur de la pêche locale, par le biais de projets de développement, comme la construction d’un quai de pêche artisanale à Ndangane, la rénovation du quai de pêche de Hann, le nettoiement des fonds marins tout le long du littoral, l’appui aux opérations de surveillance des pêches ou le développement de la pisciculture dans la région de Matam.
Par ailleurs, les pays partenaires (notamment le Sénégal, compte tenu de l’excellente réputation dont jouissent les marins sénégalais dans le secteur) voient des niveaux d’emploi élevés grâce au développement des industries et des installations portuaires. Ainsi, 50 à 60 % des équipages des navires de l’UE sont des ressortissants des pays partenaires, et plus de 70 % des captures sont transformées dans ces pays. De plus, une partie du poisson capturé par les navires européens approvisionne les marchés et industries locales de transformation, améliorant ainsi la sécurité alimentaire ou contribuant à la création de valeur ajoutée locale. Ainsi au Sénégal, les thoniers canneurs livrent leur thon à la conserverie de thon de Dakar (SCASA).
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