Walf Quotidien: Après Auchan, d’autres grandes surfaces s’installent au Sénégal, ne craignez-vous pas une concurrence plus féroce?
Alla Dieng: Nous sommes dans un monde libéralisé, c’est la loi du marché qui compte dans tous les secteurs sauf dans l’alimentaire où il y a une homologation des prix. Nous sommes des commerçants, des représentants de marque il y a aussi certains qui sont dans l’industrie, mais nous ne devons pas exiger la fermeture des frontières parce que le Sénégal ne peut pas vivre en autarcie.
En plus, ces étrangers sont des investisseurs avec l’autorisation de l’Etat, on doit les laisser travailler. Il faut aussi savoir qu’ils créent des emplois et qu’ils travaillent avec des fournisseurs sénégalais. 60% des produits des supermarchés viennent des zones maraîchères, des produits halieutiques ou des produits transformés par nos dames.
J’ai participé à une réunion dirigée par Ousmane Mbaye, directeur du commerce intérieur, avec les gens d’Auchan de Carrefour Cfao, de Damag et les consuméristes, on est tombé d’accord et l’arrêté ministériel l’a prouvé, dorénavant on ne peut pas implanter les supermarchés n’importe où sauf le cas du marché Castors entouré par quatre supermarchés.
Leur succès n’est-il pas dû à la gourmandise des commerçants nationaux?
Je préfère dire latence. C’est nous qui leur avons offert cet espace, parce que si nous avions fait ce que nous devrions faire, il n y aurait pas d’espace pour eux. Mais il faut dire que les responsables de Auchan sont des stratèges. Ils se sont installés en 2014 avec une seule unité, après ils ont étudié le marché et ont trouvé les failles. C’est ainsi qu’ils ont commencé à s’installer partout jusqu’à avoir une trentaine de surfaces. Pourvu qu’ils créent des emplois et paient des impôts. Néanmoins, ces supermarchés ne nous empêchent pas de travailler parce qu’ils ne vendent pas une tonne de ciment ou de riz, ni un kilo de fer. Cela veut dire qu’ils peuvent concurrencer nos membres qui sont dans le domaine de l’alimentaire, mais ne peuvent pas remplacer le boutiquier du coin. Ce dernier peut me faire un crédit de riz, d’huile ou de savon jusqu’à la fin du mois, mais Auchan ou un autre ne me le fera pas ça.
Et c’est quoi votre stratégie pour faire face ?
Notre économie est saine, ils ne vont jamais là où il y a le désert. Ils ont les moyens, mais on doit apprendre d’eux avec des installations spacieuses, agréables, sécurisées et propres. Comparez-les à nos boutiques du coin où le même couteau qui sert à ouvrir des boites de sardines, coupe du pain, etc. il y a aussi les cafards, les mouches, les souris etc. Je suis commerçant, je défends les commerçants, mais je défends avant tout notre économie. Ces supermarchés ont des avantages et des inconvénients, c’est pourquoi l’Unacois Yessal n’a jamais dit Auchan dégage. C’est un discours violent et xénophobe.
Quand on dit Auchan dégage, il faut aussi dire aux Chinois et aux Turcs de dégager. Mais dans ce cas, on dira aux Sénégalais vivant à l’étranger dans rentrer au pays. Auchan a réussi à éliminer les intermédiaires et traite directement avec les producteurs. Alors que nous restons dans nos boutiques, quelqu’un nous amène un produit qu’il a acheté d’une autre personne. Les intermédiaires augmentent le prix de vente. J’ai dit récemment à Mbour si quatre commerçants mettent sur la table chacun 1,5 milliard de francs ça fait six milliards. Nous pouvons négocier avec l’Etat et les mairies pour avoir un espace et faire autant, sinon plus qu’eux.