Par Ousmane SONKO
Guy Marius Sagna est un homme libre jusqu’aux entrailles, un combattant infatigable et intrépide pour la démocratie, la justice et, surtout, la bonne gouvernance. Il est à la fois activiste et acteur politique, car pour lui, les deux ne sont pas incompatibles. Et ses compagnons de lutte de part et d’autre, connaissant la sincérité et l’intégrité de l’homme, le lui concèdent bien.
Lors des élections législatives de 2017, Guy a été le directeur de campagne de la coalition politique dont j’étais la tête de liste. Lors de l’élection présidentielle de février 2019, il a été chargé de l’organisation du directoire de campagne de la coalition Sonko Président, dont j’étais le candidat. Ceci est symbolique de la nature très profonde des rapports que nous entretenons, basés sur une parfaite convergence d’idées, de vision et d’actions sur les questions majeures.
Guy est aujourd’hui détenu et il leur a fallu 72 heures pour concocter une charge contre lui. D’abord, les limiers chargés de l’interrogatoire lui ont reproché deux posts sur sa page Facebook. Ensuite, comprenant la légèreté de telles accusations, ils se sont rabattus sur un supposé «délit de fausse alerte». En quoi faisant, on est passé de l’absurde au ridicule. Guy Marius Sagna serait donc un terroriste en puissance. De qui se moque-t-on ?
En vérité, Guy est aujourd’hui détenu pour avoir exprimé ses opinions tirées de constats factuels : la propension de nos élites politiques au pouvoir à se livrer au tourisme médical ou à se faire soigner en Occident ou en Afrique du Nord, alors que nos hôpitaux publics, dont ils ont la charge, sont devenus des mouroirs.
Certes, le contexte peut sembler inopportun pour certains, et même être exploité par d’autres contre Guy, dans un pays où l’émotion l’emporte si souvent sur la raison. Mais que lui reproche-t-on ? D’avoir donné son point de vue ? Le délit d’opinion vient d’être acté de nouveau au Sénégal, sous Macky Sall, et dans une forme pire même que sous la colonisation.
Mais au-delà, ce que le procureur de Macky Sall ne dit pas dans cette affaire, c’est que Guy Marius Sagna est aussi victime du délit de faciès : il s’agit de museler une figure incorruptible de la contestation contre tous les abus, dérives et magouilles d’un régime corrompu. Comment autrement comprendre qu’il soit le seul à être interpellé pour des propos tenus en conférence publique par le collectif «France Dégage», dont il n’est ni le coordonnateur, ni un responsable à quelque niveau que ce soit ?
Ceux qui méritent de séjourner à Reubeus sont légion, détournant nos deniers publics, dealant sur nos ressources naturelles, surfacturant nos marchés publics… Mais ils ne seront pas inquiétés, mieux, le procureur leur invente même des procédures spéciales (appel à témoins), dont l’aboutissement est connu : dans quelques jours, le procureur convoquera une conférence de presse pour dire que les informations recueillies ne suffisent pas pour justifier l’ouverture d’une procédure judiciaire à l’encontre des concernés, pris en flagrant délit d’enrichissement sur nos ressources et poursuivis depuis lors par la clameur publique. Ils ne seront pas inquiétés parce qu’étant président, frère du président, ami du président, membre du parti du président… Guy Marius Sagna n’est rien de tout ça, mais il est beaucoup mieux : un homme honnête, patriote et de conviction.
Alors oui, je partage entièrement les opinions qu’il a exprimées et les fais miennes dans le fond. N’ai-je pas plusieurs fois suggéré qu’il soit fait obligation aux détenteurs du pouvoir public de se soigner dans nos hôpitaux publics et d’inscrire leurs enfants dans nos écoles publiques, pour partager avec les classes modestes les difficiles conditions qu’ils leur font subir par leur incompétence et leur manque de patriotisme ? Guy Marius Sagna et beaucoup d’autres comme lui perturbent le sommeil des injustes. Ils les privent surtout d’une tranquille digestion des fruits de leurs rapines du bien collectif. Le grief retenu leur permettra de le retenir le plus longtemps possible en détention en arguant du «déroulement de l’instruction». C’est leur seul objectif caché.
Nous ne devons pas, le peuple sénégalais ne doit pas assister impassible à sa mise à mort programmée. Ce peuple doit comprendre une chose : à force de manifester son indifférence face à l’utilisation des moyens de l’Etat pour brimer toute voix discordante, il finira par se retrouver seul face au monstre, qui n’aura alors plus de scrupule dans son œuvre d’exploitation du grand nombre au profit d’une infime minorité. Guy Marius Sagna a tout sacrifié depuis des années pour consacrer sa vie à la défense exclusive des intérêts de 15 millions de Sénégalais. Espérons qu’il s’en trouvera quelques milliers pour s’en souvenir. MÊME SANS ESPOIR, LA LUTTE EST ENCORE UN ESPOIR !
Le 24 juillet 2019