Par Moubarack LO
Le Président Macky Sall, après s’être engagé à appliquer la décision du Conseil Constitutionnel numéro 1/c/2024 en date du 16 février 2024, rejetant le report de l’élection présidentielle souhaité par l’Assemblée nationale, a présenté, le 22 février 2024, lors d’une interview, l’agenda qu’il compte dérouler à cet effet.
Cet agenda comprend quatre éléments-clé : (i) l’organisation d’un dialogue national en deux jours pour permettre aux acteurs politiques et aux forces vives de la Nation de s’entendre sur la suite du processus électoral et notamment sur le calendrier à mettre en œuvre ; (ii) l’arbitrage du Conseil Constitutionnel si le dialogue ne débouche pas sur un consensus ; (iii) le soutien qu’il apporterait à une demande de liberté provisoire formulée par le candidat encore maintenu dans les liens de la détention, ainsi que la proposition éventuelle d’une loi d’amnistie dont pourrait bénéficier tous ceux à qui on pourrait imputer une quelconque responsabilité sur les évènements tragiques ayant eu lieu dans le pays en mars 2021 et en juin 2023 ; (iv) le départ définitif de M. Macky Sall du Pouvoir le 2 avril 2024, au terme de son mandat présidentiel.
La stratégie ainsi choisie par le Président Sall lui permet de tenir une promesse et de résoudre une difficulté.
D’abord, il a toujours justifié son appui à l’initiative parlementaire de report du scrutin présidentiel par la nécessité d’organiser, à l’issue d’un dialogue ouvert, une élection transparente et inclusive. En convoquant un dialogue regroupant, en deux jours seulement, des acteurs aux intérêts divergents (les candidats admis et les candidats recalés par le Conseil Constitutionnel), il est bien conscient que le dialogue ne débouchera pas sur un consensus, mais il pourra dire qu’il a tenu sa promesse.
Ensuite, il s’évite le difficile choix de la date de l’élection et préfère s’en remettre au Conseil Constitutionnel qui devra faire ce qu’il n’a pas voulu faire dans sa décision du 16 février 2024 : fixer, d’autorité, le calendrier électoral, du fait des retards constatés. En se fondant sur le code électoral, le Président Sall ne peut pas raccourcir la durée de la campagne électorale avant le premier tour (3 semaines) comme entre les deux tours (3 semaines également), sauf à solliciter au préalable le vote d’une révision de ce code par l’Assemblé nationale. S’il avait décrété le dimanche 25 février 2024 comme date de démarrage de la campagne électorale, le premier tour du scrutin se tiendrait ainsi 17 mars 2024 et le second tour serait organisé le 7 avril 2024, soit quelques jours après le 2 avril 2024, terme de son mandat. Une telle décision le conduirait à suspendre le dialogue annoncé auparavant et serait sans doute mal appréciée par les acteurs qui se disent « spoliés » dans le cadre des procédures de sélection des candidats à l’élection présidentielle. En les conviant à un dialogue destiné à trouver un consensus sur le processus électoral, il s’abstient de prendre position tout en sachant que le dialogue ne débouchera pas sur des résultats probants.
Devant l’échec presque certain du dialogue convoqué, le Président Sall devra saisir le Conseil Constitutionnel, dès le mercredi 28 février 2024, pour qu’il indique la voie à suivre. Le Conseil Constitutionnel n’aura alors d’autre choix que de prendre ses responsabilités et de décider, sans doute avant le vendredi 1er mars 2024, du calendrier électoral. Le Conseil Constitutionnel retiendrait sans doute les dates suivantes : (i) début de la campagne électorale, le 3 mars 2024 ; (ii) premier tour du scrutin, le 17 ou le 24 mars 2024 ; (iii) second tour éventuel du scrutin, le 31 mars ou le 7 avril ; (iv) installation du nouveau Président de la République, au plus tard dans la semaine du 15 avril 2024.
Eu égard à la proximité du terme du mandat du Président Macky Sall (2 avril 2024) et de l’entrée en fonction du nouveau Président élu (au plus tard dans la semaine du 15 avril 2024), le Conseil Constitutionnel pourrait demander au Président Sall de prolonger son mandat de deux semaines maximum pour passer ses pouvoirs au nouveau Président élu.