Ambassadrice du Fnuap, Coumba Gawlo Seck a été choisie pour piloter le projet ‘’Le cri du silence’’. Un single de sensibilisation sur le Covid-19 et les gestes barrières durant la pandémie, mais dans le cadre de la violence faite aux femmes et aux enfants. Dans cet entretien accordé à Walf Quotidien, elle prend par ailleurs, la défense de Pierre Goudiaby Atépa qu’il connaît depuis plus de 34 ans. C’est un homme digne et toujours prêt à aider son prochain, dit-elle.
Walf Quotidien: Vous venez de lancer un single intitulé «Cri du silence» avec une dizaine d’artistes ouest-africains. Pourquoi «cri du silence»?
Coumba Gawlo Seck: Parce que, comme vous le savez, ce son est sorti dans le cadre du coronavirus. Et durant toute cette période, il y a eu une énorme contradiction. Un silence qui crie, qu’est-ce que s’est, me diriez-vous. Parce que dans ce silence, il y a eu des cris de douleur, des cris d’inquiétude, des cris d’angoisse. Des cris de désespoir, mais aussi d’espoir parce qu’à chaque fois, avec le couvre-feu et le confinement, quand vous sortez le soir, le monde entier est sous silence. Mais de l’intérieur, il y a eu des vrais cris parce que des femmes, des jeunes filles et des enfants ont été violentés. Il y a eu des morts, il y a eu des souffrances, il y a eu des douleurs. Il y a eu des cris de désespoir etc. C’est tout cela qui symbolise le cri du silence. Mais enfin, beaucoup d’espoir aussi.
Comment est né ce projet?
C’est une initiative du Fonds mondial pour la population (Fnuap) qui m’a sollicité pour piloter ce projet ‘’Le cri du silence’’ dont l’objectif est de sortir un single de sensibilisation sur la Covid-19 et les gestes barrières. Mais des gestes barrières qu’il faut avoir durant la pandémie dans le cadre de la violence faite aux femmes et aux enfants. C’est ce projet que j’ai eu l’honneur de piloter et j’ai mobilisé une dizaine d’artistes ouest-africains, puisque nous voulons que la sensibilisation soit panafricaine, parce que le problème est mondial.
Comment s’est fait le link entre vous et les autres artistes ?
C’est moi-même qui ai choisi et proposé des artistes dans un certain nombre de pays. Et dans chaque pays, j’ai choisi des artistes qui ont une envergure, mais qui sont aussi écoutés et aimés par différentes couches de la population. Et c’est pourquoi pour le Mali j’ai choisi Fatoumata Diawara et Sidiki Diabaté. Sidiki pour la jeune frange de la population et Fatoumata pour les femmes, les mères de famille de sa génération. Au Burkina Faso, j’ai choisi Alif Naaba qui est aussi un artiste talentueux. En Mauritanie, Mouna Mint Dendeni, en Guinée Manamba Kanté, au Niger Binta Torodo, Zeyna Habib au Bénin, au Tchad Mounira Mitchala, au Cameroun Daphné et en Côte d’ivoire Serge Beynaud.
On a plus de voix féminines que masculines ?
On n’a pas voulu avoir plus de femmes, c’est un hasard. Mais le problème des femmes mérite d’être défendu par les femmes. Mais nous sommes appuyés par des hommes dans ce projet.
C’est un projet de sensibilisation. Ne craignez-vous pas de ne pas être entendu car beaucoup de Sénégalais sont insensibles aux messages liés à la lutte contre la pandémie?
Ce n’est pas seulement au Sénégal qu’il y a un problème pour ce qui concerne le message de sensibilisation sur les violences faites aux femmes et les messages sur les gestes barrières, c’est la même chose partout ailleurs. Pour ce qui est du message sur les violences faites aux femmes, c’est partout dans le monde qu’il y a ces violences. Durant la période du couvre-feu et du confinement, les statistiques ont montré qu’il y avait un pourcentage énorme de femmes et de petites filles qui avaient été violentées. Donc, il y avait une maladie dans la maladie. Les gens parlaient certes beaucoup du covid et de ses difficultés et douleurs, mais il y avait d’autres douleurs aussi parce qu’il y a tellement de souffrances qui étaient et qui continuent d’être faites aux femmes et aux filles. Et cela mérite une sensibilisation. En plus, ce n’est pas parce qu’une frange de la population ne vous suit pas dans votre combat et votre plaidoyer que vous devez baisser les bras, sinon il n y aurait pas de changement dans ce cas. Le monde est ainsi fait. C’est pour renforcer les acquis, donc nous lançons ce message à ceux qui ont adhéré mais aussi pour avoir avec nous les récalcitrants, ceux qui sont difficiles à sensibiliser.
Comment, en tant qu’artiste, vivez-vous cette période de covid?
Très difficile. Nous avons vécu des difficultés comme tout le monde entier. Beaucoup de secteur ont été touchés. On a perdu beaucoup d’argent. Pour ma part, à cause du Covid, j’ai perdu entre 600 et 800 millions de francs cette année. Parce que j’avais une tournée dans 8 pays africains. Tout était prêt dans le cadre de ma tournée annuelle sur le continent. Vous vous rendez compte, une tournée dans chaque pays, c’est entre 195 et 200 mille dollars et c’est ce qui est visible, c’est ce qui allait être signé dans le contrat. Mais il faut savoir qu’avant d’encaisser cet argent il y a des avances qui ont été faites parce qu’il faut payer les billets d’avion, les hôtels. Il faut payer tout ce qui a été engagé. Ce sont des sommes que nous passons par pertes et profits.
Mais l’Etat a mis en place un fonds pour soutenir les artistes?
Le Chef de l’Etat a beau décaisser de l’argent, cela ne couvre pas nos pertes. Néanmoins, il a fait un geste noble à saluer. Mais il faut que les artistes comprennent que chacun ne peut avoir qu’une petite part de cet argent. Et pour le reste, il faut que les gens travaillent pour gagner leur vie. Depuis la sortie de l’album Terr Warr en décembre 2019, nous sommes en train de faire sa promotion avec des tournées. Et paf, la pandémie est arrivée. Tout s’est arrêté. Mais malgré tout, on essaie de bosser à travers les réseaux sociaux pour garder le contact avec nos fans.
Est-ce que la musique sénégalaise nourrit son homme actuellement ?
On travaille, c’est vrai que si vous me posez cette question actuellement, en tant de covid, je dis que c’est difficile. En tant de Covid la musique ne nourrit pas son homme parce qu’on ne tourne pas. Mais quand on travaille bien, la musique peut bien quand même nourrir son homme.
L’actualité, c’est la femme violentée. Qu’est-ce que cela vous inspire, en tant qu’ambassadrice du Pnud et défenseur des femmes ?
Très honnêtement, je ne veux pas en parler en l’abordant sous l’angle de défenseur des droits des femmes, ni sous celui de défenseur de la fille qui a été violentée. Je trouve que ces actes de barbarie ont toujours existé. Il a fallu que cela tombe sur cette fille pour que les gens soient choqués et en parlent. Mais avant elle, beaucoup d’autres ont subi le même sort. Et c’est irrespectueux, anormal et c’est ignoble. Je le condamne vigoureusement et réclame des sanctions, non seulement à cause de cette affaire, mais pour toutes les personnes qui sont bafouées et dont l’honneur est fracassé dans les réseaux sociaux. C’est inadmissible, cela doit s’arrêter.
