Le réveil est très brutal pour nos patrons, une place financière sans actionnariat local ou endogène des banques et institutions de micro-crédit, sans une masse critique d’entreprises cotées en bourse avec une garantie sur la solidité des bilans et leurs gouvernances, sans un secteur assurantiel local pour l’épargne et la gestion des actifs financiers : voici le nouveau fantasme chez nos patrons.
Le tissu financier local n’est sénégalais que de nom. Les cinq plus grandes banques et les trois plus grands groupes d’assurances du Sénégal restent français et marocains. Le Maroc et la France sont assis sur les deux premiers groupes bancaires du pays, agrègent 50 % du marché des dépôts. L’actionnariat du second dans l’operateur de téléphonie permet d’étendre ses parts de marche avec le transfert d’argent.
Le secteur de la gestion des risques est dominé par les Ivoiriens, Marocains et Français. Il y a des sociétés d’assurances avec un actionnariat sénégalais mais leurs capitaux propres ne leur permettent pas de faire face aux géants de la sous-région qui se financent et se refinancent à la Brvm où très souvent la liquidité est trop abondante.
Au Sénégal, on n’aime pas la performance et la transparence des bourses et autres places financières, seul l’opérateur de téléphonie est coté à Abidjan, notre secteur privé, constitué à 98 % de PMI et PME, est absent à la Brvm. Les banques locales n’assurent que 20 % des besoins de financement des PME. De ce fait, le taux de mortalité des PME et TPE au Sénégal est trop élevé, notre secteur privé ne contribue qu’à hauteur de 22 % au PIB, alors qu’en Côte d’Ivoire, ce taux a dépassé 70 %. L’Etat du Sénégal, via ses grands travaux financés par un endettement massif, assure la croissance du PIB. Une hérésie économique. L’Etat doit se recentrer sur ses attributs organiques et laisser le secteur privé dans la production et la croissance.
L’Afrique est le continent où le mobile a connu la plus forte progression avec un taux qui dépasse 60 %. Cette mobilité et cette connectivité favorisent l’émergence de services comme le paiement électronique et le transfert d’argent pour les micro-transactions. Nos économies informelles et sous-fiduciairisées s’y accommodent. Ainsi, les portefeuilles digitaux remplacent la circulation des billets et l’émission des chèques. Les Fintechs contribuent à l’avancement de l’inclusion financière, à la réduction de la pauvreté et de la faim, et à l’amélioration de l’accès à l’éducation et aux soins médicaux.
Aujourd’hui, une place financière ne peut se concevoir sans un écosystème pour les startups. Après le Nigeria avec ses 200 fintech, seule la Côte d’Ivoire dispose de pré-requis pour l’éclosion de fine techs adossés à un tissu financier local dynamique.
Toutefois notre pays garde l’avantage du capital humain de qualité avec une formation de base acceptable. Ainsi, il faut ainsi investir moins sur la pierre et le béton et plus sur l’intelligence et les idées de nos jeunes.
Dans ces bouleversements au croisement de la finance et de la technologie, on peut avec un business model bien ficelé et une application mobile à l’état de l’art, proposer en quelques mois des services bancaires ou financiers différenciants. Potentiellement à des millions de personnes c’est l’ubérisation du secteur financier qui transforme en profondeur le caractère physique d’une place financière.
Si le développement de services numérisés proposés par les fintech répond aux besoins des consommateurs et des PME, il permet aussi de réaliser des gains de productivité certains avec des risques en matière de cybercriminalité, de blanchement d’argent, d’authentification et de cryptologie. D’où l’adoption de standards entre acteurs et parties prenantes autour de protocoles de sécurités : le blockchain. Ce blockchain garantit aussi l’interopérabilité des plateformes.
Les plates-formes de financement participatif (crowdfunding ou crowdlending) se sont développées récemment en proposant aux TPE, PME et ETI des sources de financement alternatives au crédit bancaire classique et mieux adaptées à leurs besoins. Une probable place financière de Dakar ne peut ainsi se promouvoir sans les finetech pour nos économies fortement informelles et de toute petite taille. Au préalable, pour le cas du Sénégal, il faudra se pencher sur les problématiques d’un climat politique pesant et agité qui ne rassure plus les acteurs économiques, une justice commerciale de qualité et une fiscalité moins lourde et moins répressive.
Moustapha DIAKHATE
Ex-Conseiller PM
Expert et Consultant Infrastructures