«La fiscalité́ est certainement le maillon le plus important de la politique budgétaire. Cependant, le Sénégal peine à̀ mobiliser de manière optimale les recettes fiscales, principal instrument de financement souverain.
Aujourd’hui, nous sommes à un taux de pression fiscale d’un peu moins de 18 %, en décà donc du ratio de 20 % fixé par le critère de convergence de l’UEMOA. Notre ambition est d’atteindre et de maintenir un taux de pression fiscale supérieur ou au moins égal à 20 %, ce qui correspondrait à des recettes additionnelles de plusieurs centaines de milliards annuelles.
Ce résultat est largement à notre portée, si notre système fiscal et nos administrations fiscale et douanière qui l’exécutent sont purgés des tares qui plombent leur action. Il s’agit notamment de juguler le phénomène incontrôlé́ des niches fiscales avec son corollaire mal ou sous-évalué de pertes de recettes.
Dans le cadre de l’ambitieuse réforme fiscale que je propose, mon Gouvernement s’engage ici et maintenant à formuler et à mettre en œuvre des mesures fortes de rationalisation des dépenses fiscales, afin de réduire progressivement l’impact des exonérations sur la mobilisation des recettes tout en restaurant des marges budgétaires pour le financement de notre politique économique et sociale.
Notre politique fiscale conciliera le besoin de mobilisation des recettes fiscales à la politique de promotion des investissements dans le pays. Pour relever ce défi, le Sénégal procèdera à l’évaluation d’impact économique et social des avantages fiscaux au-delà des évaluations budgétaires habituelles. Aujourd’hui, l’analyse des données sur les dépenses fiscales donne l’impression d’une générosité sans contrôle de l’État pour des résultats dont l’efficacité n’est pas démontrée. Ces 38 dépenses évaluées, sur la période 2019-2022, s’élèvent à 2.232 milliards de FCFA. Cet exercice devrait être un instrument de pilotage permettant d’apprécier l’efficacité et l’efficience des dépenses fiscales.
Ainsi, nous élargirons le périmètre de l’évaluation des dépenses fiscales (mesures recensées et évaluées) à travers l’audit exhaustif de toutes les mesures tendant à baisser le poids de la fiscalité pour une activité économique ou une catégorie socio-professionnelle de citoyen-contribuables.
−Une nouvelle matrice des mesures dérogatoires devra être dressée à fin décembre 2025. Le Gouvernement travaillera également sur la rationalisation des exonérations relatives :
− à l’impôt sur les sociétés des cimenteries ; − à l’impôt sur le revenu, notamment par une réactualisation du barème progressif ;
− aux consommations de la tranche sociale des livraisons d’eau et d’électricité pour ne viser que les consommateurs les plus défavorisés.
Les nombreuses conventions fiscales conclues par le 39 Sénégal seront également examinées.
Au terme des divers recoupements, à ce jour, le Sénégal disposerait de dix-huit (18) conventions fiscales bilatérales en vigueur. Cette politique est un véritable boulevard à la fraude et l’évasion fiscales. C’est pourquoi, conformément aux directives du Président de la République, nous procèderons au retrait du Sénégal de toute convention bilatérale avec un paradis fiscal et renégocierons les clauses défavorables des conventions conclues avec des États à fiscalité́ normale (c’est le cas notamment des conventions de non double imposition avec certains pays).
Nous lancerons le chantier de la rationalisation des mesures dérogatoires éparpillées dans plusieurs textes (Code minier, Zones franches industrielles, régime de l’entreprise franche d’exportation, Code pétrolier, Code des télécommunications, Code des investissements, etc.), et leur rapatriement dans un seul corpus qu’est le Code général des Impôts, qui sera un chantier prioritaire.
En plus de ces mesures, il sera procédé à une vaste réforme du Code général des Impôts en agissant inversement sur les taux et l’assiette d’imposition. Pour nous, élargir l’assiette fiscale, tout en abaissant graduellement les taux d’imposition moyen, est la stratégie appropriée pour parvenir à une fiscalité efficace et équitable.
Pour ce qui est de l’assiette, par exemple, la correcte fiscalisation de secteurs à fort potentiel tels l’immobilier, le foncier et l’informel est un impératif budgétaire prioritaire. Par ailleurs, nous procéderons à la réinstauration du dispositif de contrôle et de taxations des appels entrants supprimé en 2012, juste quelques mois après l’arrivée au pouvoir du précédent Président de la République.
Initialement, la taxation sur les appels entrant devait permettre à l’Etat d’engranger des recettes parafiscales de l’ordre de 50 milliards de FCFA par année. Ce cadeau fiscal bien généreux ne se fondait sur aucun argument techniquement documenté et économiquement justifié, si ce n’est le respect d’engagements de campagne auprès du patronat étranger du secteur des télécommunications.
Ce renoncement a fait perdre au Trésor public des centaines de milliards FCFA, de 2012 à 2024. Mon Gouvernement s’engage, dès ce premier trimestre 2025, à remettre sur la table cette question. Une étude documentée, impliquant toutes les parties prenantes (Ministère en charge Télécommunications, Ministère en charge des Finances, ARTP, Direction générale des Impôts et des Domaines, Opérateurs de téléphonie, Associations consuméristes) sera réalisée.
Sur cette base, une nouvelle réglementation instituant un système de contrôle et de taxation des communications téléphoniques internationales entrant en République du Sénégal sera adoptée. Un accent sera consacré à la formation des administrations pour leur permettre de pouvoir faire face aux opérations complexes d’évasion, notamment les opérations transfrontalières (prix de transfert, montages abusifs et autres), qui appauvrissent le pays de ressources précieuses pour le financement de son développement.
Enfin, nous lutterons farouchement contre les pratiques permissives, corruptrices et dommageables à l’intérêt national telles que celles consistant en des manipulations du code général des impôts pour y introduire des dispositions comme les remises gracieuses aux entreprises, ou la procédure de l’arbitrage fiscal permettant au ministre chargé des Finances, de renoncer à des recettes fiscales votées par l’Assemblée nationale au nom du peuple sénégalais.