Sans s’en rendre compte, ceux qui appellent à l’annulation de la dette du Sénégal et des pays africains participent à la dégradation de la note souveraine des Etats par les agences de notation. De l’avis du financier Guy Silva Thiam, ils envoient un signal négatif au monde de la finance s comme quoi les Etats ne sont pas en mesure de payer leur dette publique ou privée.
Les multiples appels à l’annulation de la dette des pays africains et le moratoire accordé par la Banque mondiale et les créanciers publics sont la cause de la dégradation de la note souveraine du Sénégal par l’agence de notation Moody’s, selon Guy Silva Thiam. Expert financier, il affirme que demander un moratoire pour payer sa dette est un aveu de peur. «C’est parce que tu as peur de tes capacités à rembourser tes créances publiques ou privées. Si tu ne peux pas payer ta dette publique, tu ne seras pas aussi en mesure de payer ta dette envers les privés», poursuit-il. «Tous ceux qui se battent pour l’annulation de la dette, créent des problèmes sans s’en rendre compte. Car ils envoient un mauvais signal au monde de la finance et Moody’s le perçoit comme message négatif. C’est la théorie du signal: la perception du message est plus important que le message», poursuit Guy Silva Thiam. Et à l’en croire, tous les Etats partie prenante à cette initiative risquent de voir encore leur note dégradée. Et d’après lui, plus ils feront du bruit, plus les créanciers privés auront peur et le crédit sera plus cher.
L’agence de notation Moody’s a pris la décision de dégrader la note souveraine du Sénégal au motif que le moratoire sur la dette des pays les plus pauvres, confrontés aux conséquences économiques de la Covid-19, enclenché par la Banque mondiale avec le soutien du G20 et des Nations unies, risque d’augmenter des pertes pour les créanciers privés. Mais le département des affaires économiques et sociales des Nations unies a aussitôt contesté la position de Moody’s rapporte le Financial Times, cité par plusieurs médiats dont Le Point. Pour les analystes des Nations unies, le programme « devrait améliorer la soutenabilité de la dette des pays et ne devrait donc pas servir de base à des dégradations de crédit ». Ce même département a ajouté que « les pays emprunteurs devraient sortir du programme avec un crédit plus fort que s’ils n’y avaient pas participé ».
Mais pour Guy Silva Thiam, ancien enseignant à l’université Alioune Diop de Bambey, avec ce raisonnement, la Banque mondiale apprécie purement sur le plan comptable, en disant que si on annule la dette des Etats, ils auront plus d’argent. Alors que d’après lui, Moody’s a une perception financière et note quant à la capacité des Etats à rembourser. En plus, la Banque mondiale joue au diplomate et essaie de sauver les meubles, mais elle sait qu’il lui est difficile de prendre la défense des Etats qui de plus en plus empruntent dans les marchés financiers tenus par des privés. Outre le Sénégal, quatre pays: l’Ethiopie, le Pakistan, le Cameroun et la Côte d’Ivoire sont actuellement dans le collimateur de Moody’s. L’agence de notation les a placés sous revue, dans la perspective d’une éventuelle dégradation de leur note. Ces Etats très endettés ont décidé de profiter d’un moratoire sur les paiements des dettes bilatérales qu’elles ont conclues avec des créanciers publics ou supranationaux. Il faut savoir que, en cas de dégradation de leur note, ces pays devront payer plus cher pour emprunter.