L’introduction de la Covid19 le 02 mars 2020 au Sénégal a poussé le gouvernement à prendre des mesures drastiques pour freiner la propagation du virus. La fermeture brutale des écoles dès le 14 mars 2020 a été l’une des conséquences directes, alors que le pays ne comptait qu’une vingtaine de cas de contamination. Cette décision prise sans concertation avec les acteurs et partenaires de l’école a été le départ d’une période caractérisée par une gestion hasardeuse de l’école sénégalaise et un pilotage à vue sans précédent.
Suite à l’annonce de la fermeture des écoles, le Ministre de l’Éducation Nationale n’a pas réagi publiquement. Ce n’est que le 10 avril 2020, presque un mois plus tard, qu’il s’est prononcé sur la question à la radio. La trouvaille du gouvernement a été de proposer aux élèves et aux enseignants la mise en place d’un enseignement à distance, qui n’est pas accessible à tous les élèves. Ce qui constitue une rupture du principe d’équité, un des piliers du PAQUET (Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Équité et de la Transparence). La lenteur dans la réaction et la prise de décision dévoile un tâtonnement certain et un manque de professionnalisme flagrants de la part du Ministre.
En dehors des défaillances constatées, concernant la non effectivité de la continuité des cours à distance à travers la plateforme « apprendre à la maison », et de l’échec du convoyage des enseignants à leurs lieux de service ; La pandémie de la COVID-19 a révélé au grand jour toutes les tares de notre système éducatif. Elle a mis à nu la crise systémique profonde que traverse l’école sénégalaise depuis des décennies.
Le manque d’ambition et de clarté dans la vision, mais également le manque de volonté politique des régimes qui se sont succédés à la tête du pays, ont mené l’école sénégalaise dans une situation caractérisée par :
- un manque criard d’infrastructures scolaires adéquates. Plus de 6000 abris provisoires et des établissements scolaires dans un état de délabrement avancé. Si aujourd’hui nous évoquons les difficultés à faire les cours pendant l’hivernage, ce n’est pas à cause de la pluie. Mais parce que nous ne disposons pas d’infrastructures scolaires adéquates capables de protéger les élèves et les enseignants contre les aléas de la météo en période d’hivernage ;
- un déficit du personnel enseignant. 3,5 millions d’élèves pour près de 100 mille enseignants, avec comme conséquence, des classes surchargées entre 60 et 90 élèves ;
- une école qui a été figée dans le temps. Des programmes scolaires inadaptés et aux antipodes des besoins et réalités du pays. Une école qui tarde à prendre le virage du numérique et l’éducation aux technologies de l’information et de la communication (TIC) ;
- une école qui peine à atteindre le quantum horaire fixé chaque année. En effet, si l’on sait que le quantum pour l’année scolaire 2019/2020 est de 1296 heures, on est certain de ne pas l’atteindre, à l’image des années précédentes qui tournent entre 600 et 700 heures de cours effectifs.
Malgré les difficultés et les manquements successifs constatés dans la gestion de la crise scolaire par le gouvernement, l’hypothèse d’une année blanche doit être l’ultime recours. Dès lors, plusieurs scénarios sont possibles et envisageables pour sauver l’année scolaire 2019/2020. Nous faisons les propositions suivantes :
- organiser la reprise des cours à partir du 01 octobre, jusqu’au 30 novembre 2020 pour TOUTES LES CLASSES, sur la base de 36 heures par semaine, donc 288 heures au total des deux mois de cours ;
- programmer les compositions et les examens à partir de début décembre ;
- démarrer l’année scolaire 2020/2021 le 05 janvier 2021 jusqu’en fin juillet (7 mois de cours, soit 1008 heures de cours au total, réparties comme suit : 6 heures par jour, 6jours par semaine, 4 semaines par mois, pendant 7 mois), en procédant à la révision des programmes scolaires et du calendrier scolaire pour plus d’efficacité (ex : faire abstraction de certains points non essentiels du programme, tout en réduisant au minimum les vacances scolaires au cours de l’année).
Nos propositions présentent l’avantage d’organiser la reprise des cours pour tous les élèves dans le calme et la sérénité. À cette date, l’épidémie sera vraisemblablement maîtrisée. Au pire, Nous aurons une vision claire sur son évolution, et le ministère de l’éducation nationale aura assez de temps pour préparer la reprise, avec la mise en place effective du dispositif sanitaire.. Ce scénario permet aussi une continuité du programme et garantit une égalité des chances entre les candidats aux examens.
À la lumière de la crise de la COVID-19, nous estimons qu’il est plus que jamais primordiale, pour l’avenir de l’école publique sénégalaise, de doter le pays en infrastructures scolaires nécessaires pour bâtir un système éducatif solide, tourné vers l’avenir. Il nous faut rénover et moderniser les infrastructures existantes ; recruter du personnel enseignant, mieux former les enseignants et revaloriser la fonction. L’éducation aux technologies de l’information et de la communication doit être une réalité, les programmes scolaires doivent être adaptés aux besoins du marché de l’emploi, et, à nos réalités sociales et historiques.
En tout état de cause, dans ce contexte difficile pour les enseignants du Sénégal, le Mouvement National des Cadres Patriotes (MONCAP) et le Mouvement National des Enseignants Patriotes (MONEP) dénoncent vigoureusement les errements du gouvernement et saluent l’engagement et le sacrifice patriotiques des enseignants, à qui nous rendons un vibrant hommage. Nous espérons qu’à l’issue de cette crise, le gouvernement fera enfin de l’école publique une priorité nationale.
Mouvement National des Enseignants Patriotes (MONEP – PASTEF)
Mouvement National des Cadres Patriotes (MONCAP – PASTEF)