L’émigration clandestine a connu une recrudescence ces derniers temps avec son lot de morts et de disparus en mer et dans le désert du Sahara. Le dernier drame connu est intervenu, il y a une semaine et a fait officiellement 63 morts et un nombre indéterminé de disparus aux larges du Cap vert. La mort de plus de 60 âmes jeunes emportées par les flots implacables, c’est une tragédie qui résonne comme un cri de désespoir, selon El hadji Ibrahima Mbow. C’est pourquoi Mor Gassama affirme qu’il sera très difficile de stopper l’hémorragie parce qu’il faut d’abord revenir l’espoir auprès des jeunes. Selon lui, c’est la seule chose qui peut les retenir au pays.
Paradoxalement, cette volonté des jeunes de partir à tout prix intervient au moment où le pouvoir se gargarise de sa politique d’emploi et d’avoir créer des milliers d’emplois notamment avec le programme Xeyu ndawi, doté de d’un budget de 450 milliards de francs Cfa sur 3 ans, destiné à financer les projets des jeunes. Outre le programme Xeyu ndawi, l’économiste Mor Gassama rappelle que le pouvoir a fusionné l’Anej, le Fnpj et l’Ofejban pour avoir l’Anpej. «Entre temps, on a mis en place la DER avec un budget de 30 milliards au départ, trois plus pour la création d’une banque dans l’espace Uemoa. L’objectif était de booster l’entreprenariat et d’accélérer le processus de décaissement des fonds», dit-il.
Mais ces nombreuses agences de lutte contre le chômage des jeunes n’ont pas donné les fruits attendus. L’économiste soutient que beaucoup de jeunes ont du mal à accéder aux financements. «Derrière ces vagues d’émigration, réside bien plus qu’un simple échec de l’emploi des jeunes, c’est le naufrage de notre politique juvénile. Notre capacité à forger des horizons radieux, à enraciner le rêve dans les sols de notre pays, s’effrite. Ils fuient vers l’océan, désireux de bâtir, de retrouver dignité et reconnaissance, prêts à contribuer au bien-être familial», affirme El Hadji Ibrahima Mbow. Candidat du parti Bunt-bi à la présidentielle, ce docteur en sciences de gestion, souligne que c’est une crise aux multiples facettes, économiques, sociales, culturelles, et même spirituelles. Plus catégorique, Abdoul Mbaye affirme qu’il n’y a pas une politique d’emploi des jeunes.
La question des financements
C’est le constat le mieux partagé depuis le temps du régime libéral. Les financements ont très souvent une coloration politique. Mor Gassama note à juste d’ailleurs que beaucoup de jeunes rechignent à déposer des projets de financements, disant que lorsque vous n’êtes pas du parti au pouvoir, vous avez peu de chance d’avoir un financement. L’autre problème, d’après lui, c’est qu’on a confié l’Anpej à une personne qui n’avait aucune expérience dans les financements des jeunes. «Il n’a pas fait des études ni en économie encore moins en gestion. En réalité, il n’a jamais travaillé et n’a aucune expérience en matière d’emploi. Cela veut dire que le problème est loin d’être résolu», note l’économiste qui regrette qu’on mette trop en avant l’action politique plutôt que la recherche de solutions durables. «Ce qui est regrettable», se désole Mor Gassama, ajoutant qu’en décidant de fusionner toutes les actions destinées à l’emploi des jeunes, l’idéal aurait été de faire un diagnostic pour voir ce qui a marché et ce qui ne l’est pas. A son avis, cela n’a pas été fait, sinon on n’allait pas reconduire les mêmes erreurs.
Solutions
Le gouvernement a exploré plusieurs pistes pour dissuader les nombreux candidats. Premier chef du gouvernement de Macky Sall et ancien banquier, Abdoul Mbaye affirme qu’il faut faire le choix d’une politique économique apportant croissance et emplois durables. A défaut, dit-il, on tombe dans le piège de l’emploi insuffisant, même s’il n’est dédié qu’aux jeunes et il est alors de l’emploi ou de l’occupation précaire. Candidat à l’élection présidentielle à venir, il explique que la recherche d’une croissance économique créatrice d’emplois, avec des facilités particulières favorisant l’insertion des jeunes repose selon les propositions contenues dans le programme de parti: l’Act. Il s’agit, d’après lui, d’une politique de développement autocentré et de substitution aux importations; une priorité donnée à l’agriculture et une industrie à bâtir à partir de notre artisanat. «Il faut une logique de grands travaux et de grands chantiers à haute intensité de main d’œuvre se substituant à la logique observée depuis plusieurs décennies privilégiant les grands projets gourmands en dette et en technologie et maîtrise d’œuvre importées», soutient-il. Il note toutefois que l’urgence reste à des occupations même si précaires mais créatrices de valeur ou de services sociaux au bénéfice de la communauté. «Par exemple, le traitement à travers tout le territoire des carcasses de voiture pour en faire de la ferraille collectée et vendue à des entreprises pour leur transformation en acier. La collecte et la récupération des déchets, etc… », préconise Abdoul Mbaye.
Ce n’est pas tout. Il propose l’orientation de la commande publique immédiatement vers les productions artisanales locales. De même, poursuit-il, il faut la réservation d’activités telles la pêche à nos pêcheurs artisanaux en limitant les attributions de licences de pêche à des navires venus de pays accordant la réciprocité effective au Sénégal en refusant les montages trompeurs avec pavillons de complaisance.
Abdoul Mbaye affirme par ailleurs qu’il faut parfois simplement exploiter les failles présentes dans certaines activités. A titre d’exemple, il prend le développement de la livraison à domicile qui a créé le service «tiak-tiak». Il note que les jeunes sont conducteurs et versent au propriétaire la somme de 3.000f par jour sans jamais en devenir prioritaire. Avec un crédit normal, dit-il, ils peuvent devenir propriétaires de leur moto en six mois. Et en avoir une autre tous les six mois. «Un bel exemple de pouvoir devenir propriétaire puis auto-entrepreneur et employeur», explique-t-il, ajoutant que les niches existent, il faut les identifier et les exploiter. Enfin, d’après lui, il faut revoir notre système de formation global. Former aux métiers, donner des compétences et cultiver l’esprit d’entreprenariat sans avoir à attendre l’emploi qui pourrait ne jamais venir. El Hadji Ibrahima Mbow indique que le Sénégal doit ériger un bouclier jeunesse, concevoir un plan d’urgence audacieux. «Plaçons les jeunes au pinacle de nos priorités, écartant les manipulateurs aux promesses vides. Éveillons une génération fière, solidaire, et entreprenante, une vision du Sénégal qui résonne avec force à travers le temps. Le temps d’un futur vibrant est à portée de main», plaide le candidat de Bunt-bi.