Enseignants, nous sommes des soldats!

Contribution

Par Ousmane GUEYE, enseignant

On nous appelle des soldats du savoir. Dans beaucoup d’oeuvres littéraires, on a chanté nos louanges, personne ne doute de notre patriotisme. Nous sommes des citoyens éprouvés des situations de difficultés. Dans les guerres, dans les zones hostiles,  nous sommes toujours presents. La transhumance ne nous a jamais été épargné. Je me rappelle. En 1995, une épidémie de choléra très ravageuse avait sévi dans la vallée du fleuve Sénégal au nord de Matam. Il nous arrivait de compter 2,3,4 et même 5 morts dans une journée. Ce qui créait une panique énorme chez les populations.

Qui connait la relation entre le villageois et la mort peut mesurer l’ampleur, la peur et la panique qui régnaient dans la zone. Une maladie dangereuse, très contagieuse et très mortelle dans un milieu sans moyens de défense. Dans les rares postes de santé,  les lits étaient insuffisants pour recevoir les malades pour des perfusions. Certains le faisaient par terre et les ordonnances principalement les bouteilles de glucose manquaient ou tardaient à arriver par commande (horaires ou routes non praticables ).

Imaginez les évacuations par charrettes. Les contacts étaient inévitables et la contagion rapide. Rares sont les cas qui avaient survécu. J’ en avais perdu ma propre soeur en moins de 24h. Conscients de l ‘ampleur de la maladie, nous, enseignants de la contrée avions pris les devants. Nous avions accepté de vivre avec le microbe en adaptant nos enseignements/ apprentissages, une manière de contribuer pleinement à la lutte. Une des missions de l’école. Chaque matin, nous démarrions nos cours par une leçon d’éducation sanitaire. Nous avions enseigné aux enfants la décantation, la filtration, la javellisation, le puisage et la conservation de l’eau. Les enfants ont appris à compter le nombre de gouttes d’eau de javel dans un seau, une bassine etc. Le changement de comportement était indispensable.

A côté,  nous pratiquions une inter disciplinarité, une manière de sensibiliser les populations. Nos cours de civisme, de morale, de français (vocabulaire, grammaire, orthographe, conjugaison, expression orale…) de système métrique, bref, tout était axé sur la maladie. Nos élèves étaient de vrais relais et ils le faisaient bien. Je n’oublie pas les sketches, les chansons et le dessin. Nous avions pu maîtriser la peur chez les enfants en leur donnant plus de confiance et de responsabilité. L’école a réussi à jouer un grand rôle face à l ‘épidémie, une mission qu’elle sait toujours accomplir  dans toutes les situations de vie courante. Nous sommes de véritables soldats.

 

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