Ce n’est pas seulement les navires étrangers avec des licences douteuses qui menacent l’activité de pêche au Sénégal. Les pêcheurs craignent le pire avec l’exploitation du gaz à la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie.
L’exploitation du gaz de Grand Tortue Ahmeyim (Gta), à cheval entre le Sénégal et la Mauritanie, prévue en 2023 risque d’avoir des conséquences sur l’activité de pêche et même sur l’espèce. Une experte Mauritanienne affirme que l’exploitation de ce gaz et surtout la pose dans l’océan des pipelines par la firme Bp va nécessiter de couler des tonnes de béton dans les fonds marins, qui sont des aires marines protégées et qui servent de refuge pour les poissons. Déjà à l’en croire, les entreprises ont dynamité les fonds marins pour la prospection pétrolière. «Tout cela a des conséquences sur la vie sous-marine», dit-elle.
Gawsou Guèye, coordonnateur de la fédération des pêcheurs artisanaux, ne cache pas son inquiétude. Il affirme que les pêcheurs artisans sont «très inquiets» à cause de l’exploitation de ce gisement gazier qui va impacter négativement la pêche. Il affirme en effet que le plus grand récif corallien le plus froid et le plus poissonneux au monde se trouve dans cette zone qui va être traversée par les pipelines.
«La cohabitation sera très difficile. La pêche c’est un million de personnes, si elles sont impactés vous voyez les conséquences», dit-il, ajoutant que le secteur de la pêche est déjà menacé par la surexploitation. «Il y a donc une menace réelle, car il y aura des perturbations multiformes sur les zones et aires marines protégées. Il y a donc un risque de déstabilisation de la pêche», poursuit Gawsou Guèye.
L’exploitation de ce gaz offshore inquiète également les pêcheurs industriels. Secrétaire général adjoint du Gaipes, Alassane Dieng affirme que l’exploitation du pétrole et du gaz va impacter le secteur de la pêche en général et du sous-secteur industriel en particulier à travers notamment la réduction des espaces d’évolution des navires et des pertes de zones de pêche, l’augmentation des risques d’accidents en mer, de collisions avec les plateformes, de destruction d’engins de pêche (bouées, DCP, etc.), mais également de conflits entre compagnies pétrolières et pêcheurs à la poursuite du poisson.
Il redoute également des transferts de personnels qualifiés de métiers spécialisés tels que les mécaniciens, les machinistes, les commandants de navires, etc, vers le secteur des hydrocarbures. Enfin, Alassane Dieng craint le risque de pollutions de types sonore, par les hydrocarbures, par les déchets solides ainsi que l’odeur du pétrole qui font fuir le poisson.
Face à ces enjeux du pétrole et du gaz, le secrétaire général adjoint du Gaipes indique la question est comment continuer à vivre et faire vivre les populations avec le métier de pêcheur artisan et industriel. D’après lui, il se pose également la question de savoir comment tirer meilleur profit du pétrole et du gaz pour pérenniser l’activité de pêche en faisant de l’industrie pétrolière un puissant levier social et économique, plutôt que penser à la compensation. «Aucun dividende ne pourrait compenser une déstructuration du secteur de la pêche. D’autres pays l’ont essayé, les conséquences ont été désastreuses», prévient-il.
Selon lui, Gaipes prône pour une diversification de l’économie nationale à travers la défense et à la protection des ressources renouvelables notamment halieutiques car, selon lui, au-delà d’être une activité économique, la pêche est un facteur de stabilité sociale. Alassane Dieng rappelle que la pêche emploie une forte main d’œuvre de jeunes, de femmes et fournit 70 % des besoins en protéines animales des populations