Lundi ………
A Son Excellence, M………..
Objet : mort de deux enfants,
Excellence, M…………..,
C’est avec une profonde tristesse que je vous envoie ce courrier pour vous informer des décès de deux enfants insuffisants rénaux.
Certes, la mort relève toujours de la volonté divine, mais nous devons faire de notre mieux pour soulager les patients à la fin de leur vie. En effet, la volonté des autorités de venir en aide aux insuffisants rénaux est manifeste mais se posent les épineuses questions de la disponibilité des générateurs de dialyse, des intrants médicaux et des produits de dialyse. Il y a 6 mois, nous étions 150 vivants mais mal portants. Aujourd’hui, mal portants, nous le sommes en pire, mais vivants, nous ne sommes plus que 30.
Excellence, M……., j’ai recensé 40 cas que j’ai répertoriés dans un dossier que j’ai nommé « les accidents de l’hémodialyse ».
Mais, depuis que j’ai rencontré Monsieur ….. et Monsieur …., je n’ai plus osé dénoncer ce qui se passe dans le secteur de la dialyse, de peur que mes révélations ne se retournent contre leur ministère qui du reste, n’est nullement responsable de cette hécatombe dans nos rangs. Je ne veux ici, M……, ne vous citer que les cas de deux enfants, qui peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires pour non assistance à personne en danger ou pour homicides involontaires. Les malades de Dantec sont témoins de ce qui se passe, mais ils n’osent pas en parler car croient-ils, que leur « gorge profonde » leur priverait de dialyse.
Premier cas : le cas d’H S de K.
Cet enfant de 13 ans a développé à K une maladie qui lui enflait les pieds et, il vomissait. Sa grand’mère l’internat une dizaine de jours à l’hôpital de K qui ne découvrit rien. Il fut donc rendu à la pauvre vieille dame se confia aux « Sœurs » qui à leur tour furent impuissantes. Il fut évacué à J où la structure sanitaire qui ausculta l’enfant, brilla elle aussi par son incapacité à découvrir la maladie dont était atteint H. Sa grand’mère se tourna alors vers les guérisseurs et c’est l’un d’entre eux qui lui conseilla Dakar.
Elle arriva à Dakar et H fut interné en pédiatrie.
Un vendredi, il vomit du sang en séance de dialyse. Celle-ci fut interrompue et il lui fut servi une ordonnance de 50.000 frs que la vieille dame ne pouvait payer. Elle fit la quête au sein de l’hôpital et amassa 20.000 frs. Elle acheta une partie des médicaments, mais point de médecins pour lui dire comment s’en servir. H vomit Vendredi, samedi et dimanche. Il s’en alla le lundi matin à 9 heures. A 11 heures, une association de malades se présenta à la vieille dame pour lui dire « nous sommes les médecins après la mort, nous avons pu acheter les médicaments. »
Le père ne put pas récupérer le corps d’H, car le cadavre devait 100.000 frs à l’hôpital. Il fallut une quête encore, pour récupérer le corps.
Deuxième Cas : le cas de M R G
M a 18 ans, il est en 3eme, c’est un bon élève qui ne rate jamais ses prières.
Il a une IRC et arrive à Dakar. En deux mois, son père qui a vendu son cheval de labour, dépense 800.000 frs pour le maintenir en vie. Un vendredi matin, Dakar lui dit : « venez prendre votre fils. » Il emprunte 10.000 frs et arrive dans ce grand et historique hôpital de référence et à 14 heures, son fils lui est remis. Il n’y a pas de place, qu’il aille chercher à dialyser son fils ailleurs. Un malade se propose de céder sa place au petit garçon, mais cette proposition est rejetée. Le père impuissant confie son enfant en face à un passant compatissant, et va chercher un taxi. Il met doucement le frêle corps de son enfant à l’arrière du taxi et se précipite dans un centre privé. La comptabilité lui demande s’il a 60.000 frs ! Que nenni ! On lui fait une réduction de 20.000 frs. Et devant son impossibilité de payer les 40.000 frs, on lui indique un autre centre de dialyse où lui dit-on, la séance de dialyse peut être encore réduite.
Il arrive dans ce centre où une caissière auto-bombardée présidente directrice générale du centre, lui exige 40.000 frs. Il demande des interventions et on l’envoie chez un membre de l’association des malades qui lui propose la constitution d’un dossier à déposer au cinquième étage du building municipal en trois exemplaires. Il rencontre le docteur par hasard dans les couloirs du centre et, il demande à ce médecin de bien vouloir regarder seulement son enfant. Regarder seulement !Devant l’état plus qu’inquiétant de l’enfant, le médecin se porte garant de sa dialyse.
L’enfant est mis en face de moi qui suis en dialyse. Il est branché. Il se redresse me regarde et me dit : « je vais mourir car je n’arrive plus à vous voir ».Je crie au secours, le major se précipite. L’enfant « est repris et dit » : « je vois de nouveau ». Le major s’en va et il y a une coupure de courant. Tous les générateurs de dialyse s’arrêtent. Le groupe électrogène met 3 minutes avant de s’enclencher.
Dix minutes plus tard, une nouvelle coupure plonge la salle dans le noir. Certains générateurs continuent de fonctionner sur la base de leur batterie interne. Les autres, non ! Et cette fois-ci, pendant 9 interminables minutes, le groupe électrogène ne prend pas la relève.
Au moment où j’exige du major mon débranchement par peur que mon sang ne coagule, le groupe démarre. Cinq minutes plus tard, Mohamed se redressait et crie « Major, je ne vois plus ». Les soignants se précipitèrent mais, Mohamed avait décidé de se reposer et moi, de le venger. Toutes les nuits, le visage de cet enfant, plus que les 12 autres qui sont morts devant mes yeux, plus que les 200 membres de mon association qui s’en sont allés, l’espoir d’une réduction de cette abominable dialyse dans leur cœur, me donne des insomnies et des douleurs fortes, silencieuses et solitaires.
Madame le M, je n’en peux plus.
La plupart des morts l’ont été par insuffisance de ressources au moment où l’association de malades détient par devers elle, un minimum de 150 millions qui augmentent exponentiellement derrière une opaque comptabilité et des statuts qui disent-ils, leur interdisent le retrait de fonds autrement que pour la construction d’un centre de dialyse de références. Les malades ont donc 150 millions en banque et meurent pour 10.000 frs : ceci est le scandale signé association des malades. Beaucoup de personnes vivent du sang des insuffisants rénaux et, tant que des assises de l’insuffisance rénale ne sont pas posées ou des plaintes contre les malversations et erreurs dans la pratique ne sont pas dénoncées, les malades vont mourir et continuer de mourir pendant que d’autres vont s’enrichir et continuer de s’enrichir.
El Hadj Hamidou Diallo,
Président MIRS