Mes chers amis, en m’adressant à vous aujourd’hui, j’éprouve une immense joie, celle de savoir que je peux compter sur des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes, toujours mobilisés et déterminés. Pour beaucoup d’entre vous pourtant, voilà neuf cents jours que nos regards ne se sont pas croisés, que nous ne nous sommes pas serrés la main, que nous n’avons pas échangé un mot.
Mes pensées vont à chacune et à chacun d’entre vous. Je pense à celles et à ceux qui, rebutés par la prison ou ne supportant pas de me voir en détention, ne trouvent pas la force de me rendre visite. Je pense à cet homme d’âge avancé qui a quitté son village à l’intérieur du pays pour venir me témoigner son affection.
Je n’oublie pas cette vieille dame qui, chaque jour à l’aube, prie pour moi. Je pense à ces jeunes qui ont fait la prison pour avoir demandé ma libération. Je n’oublie pas ces femmes en garde à vue pendant des heures pour avoir exercé leur droit constitutionnel de manifester.
Je pense à ces femmes et à ces hommes qui, une ou deux fois par mois depuis neuf cents jours, partent de Kaolack, de Tambacounda, de Thiès, de Tivaouane, de Touba, de Dagana, de Louga, de Diourbel et d’autres contrées de notre pays, pour m’exprimer de vive voix leur soutien.
Je n’oublie pas nos compatriotes établis en France, en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis, au Maroc et ailleurs dans le monde qui me manifestent régulièrement leur soutien à travers des rassemblements sans compter ceux d’entre eux qui ne manquent jamais l’occasion de me rendre visite au cours de leur séjour au Sénégal.
Je pense à celles et à ceux qui sont restés anonymes dans leurs prières et dans leur soutien. Je n’oublie pas non plus les personnalités politiques, religieuses, coutumières et de la société civile qui me témoignent leur solidarité. Je pense aussi beaucoup à vous, mes chers amis. Je pense à mes braves compagnons qui, dans ce qui est devenu un rituel, égayent mes lundis depuis neuf cents jours.
A vous tous dont le soutien m’est si précieux, je voudrais vous exprimer ma reconnaissance et mon affection. Je ne pourrai jamais vous rendre ce que vous m’avez donné. Mais je vous ouvre mon cœur, un cœur que je souhaite assez grand pour vous y accueillir tous.
Mes chers amis, cette épreuve a renforcé le lien qui nous unit. Ce lien s’est consolidé dans notre choix de préférer la dignité à la résignation. Il s’est renforcé dans notre détermination à opposer le courage à la peur d’avoir à lutter. Nous n’avons pas choisi le chemin de la compromission ni celui de l’abdication. Au contraire, nous sommes restés inébranlables et face aux épreuves, nous avons renforcé notre résilience.
Oui chers amis, rien ne pourra nous arrêter si ce n’est la volonté divine. Il est illusoire de croire qu’on m’a privé de liberté en m’emprisonnant quand des centaines de milliers, voire des millions de Sénégalais sont libres pour moi. Il est illusoire de penser me priver de liberté de mouvement quand des centaines de milliers, voire des millions de Sénégalais, un pied devant l’autre, marchent pour moi.
Il est illusoire de tenter de m’empêcher de m’exprimer quand des centaines de milliers, voire des millions de Sénégalais portent ma voix. Il est illusoire d’essayer d’éteindre nos convictions alors que celles-ci sont partagées par des centaines de milliers, voire des millions de Sénégalais dans les zones les plus reculées de notre pays et à l’étranger. Il est illusoire de tenter de m’empêcher d’avoir une ambition pour notre pays quand des centaines de milliers, voire des millions de Sénégalais, des moins jeunes aux plus jeunes, portent notre ambition.
Mes chers amis, si nous sommes restés debout au milieu des épreuves, c’est d’abord et surtout grâce à notre foi commune à la parole divine selon laquelle notre destin est déjà tracé. C’est aussi parce que nous avons la détermination tenace. Et je vous le réaffirme: vous pouvez compter sur moi pour porter notre ambition commune pour le Sénégal.
Comme politique, parce que c’est l’engagement de toute ma vie, j’ai conscience de ma responsabilité. Mon devoir, c’est de continuer à servir notre pays dans un dévouement total. Mon devoir, c’est de poursuivre le mouvement en marchant sur le socle des valeurs de la démocratie, de la liberté, de la solidarité, de la justice sociale et du progrès. Cette référence à nos valeurs relève d’un enjeu politique afin de restaurer la finalité humaine de la politique et de trouver des solutions globales, solidaires et durables aux difficultés que vivent les Sénégalais.
Mes chers compatriotes,
Ces dernières semaines, notre Nation a perdu d’éminents fils. A nouveau, je voudrais saluer leur mémoire et renouveler ma compassion et ma solidarité à leurs familles et proches. Le Sénégal est plus grand que nos destins individuels, plus grand que nos vanités puériles. Nous ne devons pas vivre avec la haine au cœur, ni avec la rancœur dans les yeux. Nous ne devons pas vivre dans la discorde et dans la peur qui font que chacun peut voir l’autre comme un ennemi.
La devise de notre République trace un destin commun qui nous rassemble dans un chemin d’espérance. Cette devise forgée dans la sueur, le sang et le sacrifice, nous a permis de vivre en paix dans une Nation unie. Notre responsabilité est de continuer à faire vivre cette espérance commune à travers des institutions garantes de l’Etat de droit et des droits des citoyens. Notre responsabilité est et sera toujours de préserver ce merveilleux héritage, et les yeux rivés sur l’avenir, de transmettre intact à nos petits enfants ce legs inestimable qu’est la paix.
Khalifa Ababacar SALL