Mohamed Ndiaye DIAKHATE
Le projet de loi généralisant le parrainage à l’élection présidentielle a été déposé au niveau de l’assemblée nationale et sera voté le Jeudi 19 Avril 2018 par les députés. En effet ce projet de loi révise le mode d’élection du Président de la République. Il modifie les conditions de recevabilités des candidats à la présidentielle de 2019, leur éligibilité et cela viole l’article 103 alinéa 7 de la Constitution qui stimule que « le mode d’élection du Président de la République ne peut faire l’objet de révision ».
Le Référendum dont j’ai pris une part active pour le vote du « OUI », contient de nouvelles clauses d’intangibilités notamment le mode d’élection du Président de la République. Ainsi, aux termes de l’article 103 alinéa 7 (nouveau) de la constitution du 22 janvier 2001, « la forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ». Par conséquent nous constatons une tentative de violation manifeste et prémédité de notre Constitution, gage de notre démocratie.
Encore que jamais un candidat indépendant lors d’une élection présidentielle n’a demandé à ce que la Constitution soit révisée afin que le parrainage intégral soit appliqué à tous les candidats.
Fort de tous ces éléments, je suis en porte à faux avec ce projet de loi et cela n’enlève en rien ma conviction de militant républicain.
L’autre aspect dérangeant est la période où ce projet de loi sera voté à l’Hémicycle car nous sommes à quelques mois des présidentielles. Une partie de la société civile ainsi que la majeure partie de l’opposition et des partis non alignés pensent que ce projet est un prétexte qui sert au régime en place d’écarter le maximum d’adversaires menaçants. Ces derniers reprochent au pouvoir de ne pas associer tout le monde aux réflexions d’autant plus qu’ils sont d’accord de rationaliser les candidatures. A mon sens, il faut résoudre la question de pléthore de candidatures en y mettant la forme, mais aussi organiser une concertation nationale entre toutes les parties prenantes basée sur un consensus.
Dans ce même registre, il ne faut pas oublier l’exil forcé imposé à Karim WADE. Pour rappel, la Coalition portée par les libéraux est venue en deuxième position derrière la Coalition Benno Bokk Yaakaar lors les législatives de 2017. Dès lors leur candidat déclaré qui n’est personne que WADE fils est écarté de la présidentielle de 2019 car étant condamné pour détournement de deniers publics par la CREI. Malgré toutes les manigances, influences et forcings des libéraux, nous savons tous que WADE fils ne pourra pas être éligible.
Encore que l’affaire Khalifa SALL qui suscite tous les débats et toutes les émotions n’a pas atteint son épilogue, ce dernier a été condamné à 5 ans de prison lors de son premier jugement en mars dernier. Pour rappel, sa Coalition Taxawu Dakar avait battu celle de Benno Bokk Yaakaar en 2014 en remportant 17 communes de Dakar sur 19. Même étant en prison lors des législatives de 2017, il a été élu député et sa Coalition Mankoo Taxawu Sénégal est venue en troisième position. Nous sommes certains qu’il sera condamné au jugement final et sera éliminé des joutes présidentielles car lui-même a avoué publiquement ses fautes de gestion à la Mairie de Dakar donc Candidat dangereux.
Tout porte à croire que le pouvoir cherche à éliminer légalement tous ces candidats sérieux en exploitant leurs erreurs de gestion pour se créer un grand boulevard vers un second mandat.
Mais un forcing à l’Assemblée National pour le vote de la loi sur le parrainage intégral risquera de reproduire un 23 juin 2011 bis car la société civile, les partis de l’opposition et les non-alignés appellent à une manifestation populaire le jour du vote, s’ils réussissent, cela sera un aveu d’échec grave de conséquence. Si le vote de cette loi ne présentait aucun risque, on pouvait ne pas le retenir durant la période de la commémoration religieuse des Layennes où toute la population dakaroise sera entre Ngor, Yoff et Cambérène.
En tant que fervent apériste, je ne peux taire ma plume et tordre ma conscience par rapport à tous ces aspects politiques, judiciaires et constitutionnels qui vise à ternir l’image de notre Pays
Le bilan des 6 ans du Président Macky SALL est conséquent et élogieux dès lors il faudra améliorer les stratégies employées lors des législatives de 2017 qui nous a permis de gagner 42 des 45 départements du pays. Aussi Il faudrait que tous les responsables nommés à des postes électifs ou nominatifs renouent avec leurs bases politiques tout en discutant avec les populations sur les réalisations du Président de la République.
Mais tripatouiller la Constitution en éliminant tous les candidats dangereux et en faisant de la politique par procuration pour espérer gagner les prochaines joutes électorales est trop illusoire. N’oublions pas que la population sénégalaise est mature politiquement, difficilement influençable et imprévisible.
Certains Constitutionalistes proche du Palais prétendaient que la loi constitutionnelle du 05 Avril 2016 issue du référendum du 20 Mars 2016 était ce qu’il y a de mieux pour notre pays. Alors pourquoi ils n’avaient pas anticipé sur les conséquences constatées lors des législatives de 2017 et revenir maintenant pour soit disant faire des correctifs.
Pourquoi ne pas recopier l’exemple de la France, où la candidature présidentielle passe par le parrainage indirecte avec 500 signatures des conseillers municipaux et départementaux ? Nous pourrions d’ailleurs l’élargir au Sénégal avec les députés et les membres du HCCT cela leur donnera plus d’envergure et de légitimés et également rationaliser les candidats à l’élection présidentielle.
Pourquoi ne pas utiliser le bulletin unique dont une bonne partie de l’opposition est favorable. C’est un seul bulletin où tous les candidats sont représentés et l’électeur fait son choix avec un stylo. Des expériences vécues dans d’autres pays développés ont démontré que si un peuple à un fichier électoral de plus de 5 millions d’inscrits et une vingtaine de candidats aux élections présidentielles, ce mode d’élection est plus bénéfique financièrement qu’avec des bulletins multiples.
Pour rationaliser le nombre exorbitant de partis politiques (300 partis légalement constitués sur 15 millions de sénégalais) on pourrait exiger que « tout parti politique légalement constitué doit obligatoirement participer à 1 ou 2 élections au moins durant un mandat présidentiel s’il ne veut pas être dissoute ou se voir retirer son autorisation » ou encore exiger « le parrainage direct ou indirect obligatoire pour chaque création de Parti Politique en tenant compte de la répartition géographique ». Juste pour dire qu’il y’a d’autres moyens pour résoudre ce problème de candidatures indépendants ou de candidatures pléthoriques.
Concernant les signatures exigés dans le parrainage intégral, je suis d’avis qu’il faudra plus de 1% si on tient compte que le Conseil Constitutionnel devra éliminer les signatures des non-inscrits dans le fichier électoral, ou celles dont les critères de répartition ne sont pas respectées ou les double signatures ou les signatures non conformes. En plus ce 1% augmentera après chaque révision du fichier électoral du fait de l’augmentation du nombre d’électeurs.
Mais aussi chaque candidat qui dépose ses signatures, donnera un aperçu de sa force politique sur l’étendue du territoire et certains seront tentés d’utiliser ces informations pour nuire ou affaiblir leurs adversaires.
Le Président de la République a demandé à ce que la Coalition Benno Bokk Yaakaar obtient 2 millions de signatures pour le parrainage de sa candidature et si on prévoit une quinzaine de candidats comme lors des présidentielles de 2012 alors on aura au total 3.000.000 de signatures que le Conseil Constitutionnel devra vérifier dans une période de 1 mois. Par quelle magie, pourra t-il le faire dans les délais.
D’ailleurs on peut déduire que toute personne qui SIGNE pour un candidat, VOTE pour lui et cela fausse les règles du jeu électoral qui nous impose le secret du vote.
Monsieur le Président de la République, ma conscience citoyenne m’interdit de taire toutes ces vérités car la démocratie qui règne dans notre patrie m’autorise à donner mon point de vue sur la façon dont le Pays est géré. Mon rêve est d’avoir une constitution intangible où aucun président ne pourra y changer ou modifier à sa guise les modes d’élection présidentielle et/ou législative.
Le Sénégal a toujours été montré en exemple pour sa maturité démocratique donc ne posons pas des actes anticonstitutionnels rien que pour rester au pouvoir ou avoir un second mandat. Seul Dieu détient le Pouvoir et le distribue selon son bon vouloir
Responsable Politique aux Parcelles Assainies
Coordonnateur du Collège Républicain
Ingénieur Informatique