«Il est très intéressant de relever que dans l’affaire Ahmet FALL, objet de l’Arrêt n°103 de la Chambre d’Accusation du 21 Mai 2013, il est expressément mentionné en page 2 :
Pour motiver ladite décision (nota : il s’agissait d’une décision de refus de placement sous mandat dont le Ministère Public avait relevé appel) le magistrat instructeur a relevé que l’inculpé a offert en cautionnement, un immeuble évalué à dire d’expert à la somme de 678 175 000 Frs CFA tout en s’engageant dans un délai d’un mois à faire inscrire l’hypothèque sur ledit immeuble au profit de l’Etat du Sénégal ;
Le Parquet Général, constatant que l’inculpé a satisfait à cette condition, en versant dans la procédure, copie du Bulletin de dépôt délivré par le Conservateur de la Propriété et des Droits Fonciers de Grand-Dakar a requis la confirmation de la décision attaquée. (…)
Il en est de même de l’Agent Judiciaire de l’Etat qui a déclaré ne pas s’opposer à la liberté provisoire accordée à l’inculpé après satisfaction des prescriptions de l’article 140 du Code de Procédure Pénale ».
Dans l’affaire Ndeye Khady GUEYE, objet de l’arrêt de la Chambre d’Accusation n°01 du 02 Janvier 2014, il est écrit expressément :
«Qu’en ce qui concerne le détournement de deniers publics, il (le magistrat instructeur) a estimé que les deux immeubles offerts à titre de caution ont été évalués à 1 098 915 000 frs CFA, que ce montant couvre intégralement le préjudice allégué ; il a donc assimilé les actes ainsi posés comme des offres sérieuses répondant aux prescriptions de l’article 150 du code de Procédure Pénale….
Le Ministère Public qui a relevé appel a, aussi bien dans ses réquisitions écrites versées au dossier, que lors de ses observations orales à l’audience admis que « l’argumentation du magistrat instructeur recoupe la position de la Cour Suprême qui dans son arrêt n°89 du 20 Mai 2010 relativement au cautionnement admet qu’il soit fait en nature à la condition qu’il soit matérialisé par la remise des titres de propriété et l’inscription de la garantie au livre foncier…..
Le représentant de l’Agent Judiciaire de l’Etat estimant que la décision du juge d’instruction assure la préservation de ses intérêts a demandé la confirmation ».
Les requérants ajoutent à leur dossier, pour constituer la pièce n° 43, une ordonnance rendue le 15 Juillet 2008 par le juge d’instruction du 2e cabinet du tribunal régional hors classe de Dakar dans l’affaire Ministère Public c/ Monsieur Modou Khabane SENE où il est expressément écrit :
« Attendu par requête susvisée, le sieur Modou Khabane SENE offre à titre de garantie hypothécaire au profit de l’Etat, l’immeuble bâti lui appartenant et objet du lot n°145/B du Titre Foncier n°22807/DG évalué, à dires d’expert, à la somme de 149.030.000 FCFA pour échapper éventuellement aux rigueurs de l’article 140 du Code de Procédure Pénale ;
Attendu que l’Agent Judiciaire de l’Etat, par conclusions susvisées déclare d’une part, ne pas s’opposer à l’offre de caution de l’immeuble précité et, d’autre part, solliciter son inscription hypothécaire ;
Attendu que ladite offre de cautionnement parait satisfaisante pour sauvegarder au mieux les intérêts de l’Etat dans la cause ».
Toutes les décisions citées l’ont été alors que les articles 140 et 134 du Code de Procédure Pénale étaient rédigés de la même façon qu’aujourd’hui.
L’Agent Judiciaire de l’Etat doit expliquer pourquoi ce qui était possible et légal en 2008 pour Modou Khabane SEYE, en 2013 pour Ameth FALL et en 2014 pour Ndèye Khady GUEYE, ne l’est plus subitement aujourd’hui.
Serait-ce parce qu’il s’agit de M. Khalifa Ababacar SALL ? Dans un Etat de droit, la loi doit s’appliquer dans les mêmes conditions pour tous.
Si des sénégalais, avec l’accord exprès, et motivé, du Ministère Public et de l’Agent Judiciaire de l’Etat, ont bénéficié de décisions rendues par des juridictions d’instruction accordant la liberté provisoire contre la mise en garantie de biens immobiliers, cela ne peut pas être refusé à M. Khalifa Ababacar SALL et ses codétenus alors que les textes sont restés inchangés.
A défaut, il s’agira d’une justice sur mesure ou encore à la tête du client. Et dès lors, il ne s’agira plus de justice mais de fait du prince, créateur d’injustices, ce qui est nuisible à la sécurité de chacun et à la stabilité sociale.
Pour toutes ces raisons et sans avoir égard aux arguments de l’Etat du Sénégal, qui ne trahissent qu’un acharnement sur la personne de M. Khalifa Ababacar SALL, il plaira à M. le Juge d’Instruction, faire droit à la requête.
Pour le Collectif : Maitre François Sarr