Les récentes déclarations laborieuses des ministres de la justice, Ismaïla Madior Fall et de l’intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, au-delà d’être surprenantes et gênantes dans une République qui se respecte, sont manifestement fausses.
Elles sont gênantes du fait qu’elles méconnaissent les principes les plus élémentaires de séparation des pouvoirs et de répartition des compétences entre pouvoirs constitués.
Un ministre de la justice, attaché aux valeurs de la République, devrait se soumettre à la règle de la retenue et se garder de faire un commentaire sur une candidature dont la validité relève de la compétence d’un organe juridictionnel.
Un ministre de l’intérieur, bien qu’il soit militant du parti au pouvoir et reconnaisse travailler inlassablement à la réélection du président de ce parti, devrait, lui aussi, comprendre que l’acceptation ou le rejet d’une inscription d’un citoyen sur le fichier électoral, est du ressort des commissions administratives prévues par la loi portant Code électoral et instituées par le décret portant révision exceptionnelle des listes électorales en vue de l’élection présidentielle du 24 février 2019, modifié.
Ces ministres, investis par Macky Sall pour commettre une monstrueuse forfaiture consistant à invalider la candidature du Président Karim Wade, devraient se convaincre que, juridiquement, rien ne peut s’opposer à cette candidature.
En attendant, les développements ci-dessous démontreront, à suffisance, et pour une dernière fois, que leurs déclarations ne résistent à aucun argumentaire juridique solide. Par contre notre argumentaire s’appuiera aussi bien sur la loi pénale que la loi électorale.
Sur la loi pénale :
En effet, à la question de savoir si Karim Wade peut être candidat à l’élection présidentielle suite à sa condamnation par une juridiction d’exception, scélérate, contestable et contestée, au Sénégal et à l’étranger, le Pr Ismaïla Madior Fall, ministre de la justice, soutient, à l’occasion d’une émission télévisée en date du 10 juin 2018, que « la loi prévoit que si un citoyen est condamné à cinq (05) ans d’emprisonnement, au moins, il perd ses droits civils et politiques ».
Cette réponse du ministre de la justice est juridiquement infondée. Elle est manifestement fausse et parions que le ministre ne citera jamais un texte à la base de son assertion.
Il faut rappeler à Ismaïla Madior Fall qui se glorifie d’être un « tailleur de haute couture constitutionnelle » que la perte des droits civils et politiques ne se présume point. Elle doit être prononcée explicitement par un juge sur une base textuelle.
Or, l’arrêt condamnant Karim Wade n’a nullement prévu la déchéance de ses droits civils et politiques malgré la réquisition du ministère public demandant l’interdiction à Karim Wade «d’exercer des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l’article 34 du Code pénal ».
En réponse à cette demande du Procureur spécial, le juge de la CREI a soutenu, « qu’en vertu des dispositions de l’article 35 du Code pénal, les tribunaux ne prononcent cette interdiction (la déchéance de ses droits) que lorsqu’elle aura été autorisée ou ordonnée par une disposition particulière de la loi.
Or, poursuit, le juge, « l’article 163 bis du Code pénal qui prévoit et réprime le délit d’enrichissement illicite, n’autorise ni n’ordonne l’interdiction mentionnée à l’article 34 précité ; Qu’il y’a lieu, dans ces conditions, conclut le juge, de ne pas prononcer la déchéance des droits civils et politiques de Karim».
Il en résulte qu’une simple lecture de l’arrêt rendu par cette juridiction monstrueuse dénommée CREI épargnerait au ministre sa mésaventure juridique.
Autrement dit, l’inscription d’une condamnation pénale dans un casier judiciaire n’entraîne pas systématiquement l’inéligibilité dès lors que cette condamnation n’est pas assortie d’une sanction complémentaire privant expressément le condamné de ses droits civiques, civils et politiques.
A partir du moment où l’inéligibilité expresse n’a pas été prononcée, la simple information que comportera le casier judiciaire du candidat Karim, c’est celle relative à une simple condamnation assortie d’une amende. Le Conseil constitutionnel réuni à l’effet de statuer sur les candidatures ne disposera que de cette information.
Sur la loi électorale :
Sur ce point également Karim Wade est épargné du fait de l’incidence nulle de cette condamnation supérieure ou égale à cinq (05) ans sur sa qualité d’électeur contrairement à ce que soutient, M. Aly Ngouille Ndiaye. Ce dernier, à l’occasion de la modification de la loi électorale adoptée ce 18 juin 2018, affirme que Karim Wade ne s’est pas inscrit.
Désolé M. le Ministre, Karim Wade est déjà inscrit sur les listes électorales pour avoir déjà voté des décennies durant. Et il s’est confirmé.
Au surplus, l’article 4 du décret 2016-1535 du 29 septembre 2016 du 19 août 2016 portant application de cette loi édicte que « l’électeur se présente à la commission munie de sa carte d’électeur et de la photocopie de la carte présentée. Il décline l’opération qui le concerne : confirmation de son inscription, nouvelle inscription, modification d’adresse ou de circonscription électorale ».
La seule pièce exigée à l’électeur qui se présente, comme c’était le cas avec Karim Wade, c’est la photocopie de sa carte nationale d’identité ou de sa carte d’électeur. C’est la seule formalité exigée d’un citoyen déjà figurant sur la liste électorale.
Au surplus, il n’appartient pas à un Ministre de décider qui doit figurer sur le fichier électoral et qui ne le doit pas.
Sur le plan essentiellement juridique, les adversaires de Karim sont désarmés et mélangent, à dessein ou par ignorance, la question d’inscription sur les listes électorales et la question de l’éligibilité. Ce sont deux questions différentes qui se placent d’ailleurs à deux moments différents du temps. Pour Karim la première question est déjà résolue.
Quant à l’éligibilité, objet des articles 28 et 29 de la Constitution, nous en reparlerons le moment venu, si jamais elle est soulevée un jour.
En définitive, malgré toutes les manœuvres de Macky Sall et de ses affidés qui utilisent l’appareil d’Etat pour détruire le Pds, manipuler la justice, réprimer les opposants, entretenir une certaine presse pour manipuler l’opinion et utiliser l’argent du pays pour débaucher des responsables du parti, le fait de l’inscription de Karim Wade sur les listes électorales s’impose comme le nez au milieu de la figure.
Quant à la question de la disqualification de notre candidat, on avisera. Pour l’instant et pour nous, sa candidature à la prochaine élection présidentielle de février 2019 demeure juridiquement incontestable et politiquement légitime.
Pour finir, la FNCL demande à la direction du Pds de prendre toutes les dispositions nécessaires, aussi bien au plan juridique que politique, au niveau national qu’international, pour créer les conditions d’une élection libre, transparente et démocratique dans le cadre, pour ce qui concerne le Pds, d’une coalition électorale.