Par Eliasse BASSENE
Au lendemain de l’élection présidentielle du 24février 2019, le président Macky Sall, s’empressait de supprimer le poste de Premier ministre et d’introduire dans la foulée, une disposition constitutionnelle lui privant d’une arme politique redoutable: la prérogative de dissoudre l’Assemblée nationale.
Nombreux sont les sénégalais qui, à l’époque, s’interrogeaient sur la pertinence et la portée d’une telle mesure. Ces compatriotes ignoraient sans doute, que les stratégies politiques, quelles que soient leur complexité et leur ingéniosité, obéissent toutes à une même logique: celle consistant à obstruer un regard extérieur pour dégager une visibilité et un vaste champ d’action aux initiateurs desdites stratégies. La démarche de Macky Sall, s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Car, contrairement à une idée largement partagée par une certaine opinion, le président Sall ne vise pas un 3ème mandat: il cherche plutôt à museler, à verrouiller le 1er mandat de son successeur.
Il suffit pour s’en convaincre de convoquer l’histoire électorale de la République du Sénégal de 1960 à nos jours. En effet, depuis l’accession du Sénégal à sa souveraineté internationale, notre pays n’a jamais organisé deux élections successives en l’espace d’une année. Autant affirmer que le choix porté sur l’année 2021 pour la tenue des élections locales et départementales, constitue un fallacieux alibi pour justifier le bien fondé d’un acte éminemment politique et légitimer la décision de reporter les législatives de 2022 pour les faire coupler avec la présidentielle de 2024.
Dès lors, se pose la question de l’opportunité de ce couplage. A la lumière des actes politiques régulièrement posés sous son magistère, le président Macky Sall ne veut pas se contenter de passer le témoin en 2024: il veut surtout léguer un colis piégé à son successeur. En couplant les deux élections en 2024, en l’occurrence la présidentielle et les législatives, Macky Sall se donnera les moyens politiques pour faire main basse sur l’Assemblée nationale, en y envoyant un nombre important de députés acquis à sa cause.
Une mise sous contrôle de l’institution parlementaire qui lui permettra d’étouffer dans l’oeuf toute velléité de chasse aux sorcières susceptible d’être déclenchée contre certains dignitaires de son régime. Quel que soit le sentiment d’animosité, le désir d’assouvir une vengeance, Macky Sall aura toujours une arme politique entre ses mains pour tempérer les ardeurs du futur locataire du palais de la République. Outre cet atout, Macky Sall pourra s’appuyer aussi sur le puissant levier que constitue sa majorité à l’hémicycle pour aller à l’assaut du palais en 2029. On l’aura compris ; le report des locales, n’est pas lié à un enchevêtrement du calendrier électoral, c’est l’avenir de tout un régime qui est ici en jeu.