Le rapport du Département d’Etat qui dénonce la corruption au Sénégal ne va pas faire fuir les investisseurs, selon certains spécialistes des finances et de l’économie. Docteur en sciences de gestion, El Hadji Ibrahima Mbow, président du parti Union citoyenne Bunt bi, affirme que ce rapport n’indique rien de nouveau vraiment. Mieux, il soutient que les investisseurs eux-mêmes sont des acteurs et ont aussi une pleine responsabilité dans la corruption partout dans le monde. «S’il n’ y avait que des corrompus sans corrupteurs, le mal allait être contenu. Mais malheureusement, certains investisseurs prennent le continent africain comme leur terrain de chasse et s’y livrent des pratiques répréhensibles à tout point de vue sur le champ de la corruption», dit-il.
Une position partagée par Guy Silva Thiam, promoteur de l’institut africain de trading boursier (Iatb) «Les premiers corrupteurs sont les investisseurs. La corruption est faite par leurs représentants sur place qui facturent des commissions de représentation», renchérit-il. Guy Silva Thiam soutient que tous les investisseurs déclarent lutter contre la corruption, mais, en réalité la corruption est un élément du monde des affaires. Mieux, dit-il, les investisseurs savent s’adapter et ce sont les gains potentiels qui les intéressent.
Agrégé d’économie, un enseignant à la Faseg de l’Ucad, qui a préféré garder l’anonymat estime que théoriquement ce rapport peut dissuader des investisseurs, mais dans la pratique, ils se connaissent tous. A l’instar du Département d’Etat, cet économiste rappelle qu’en termes de perception de la corruption, le Sénégal est parmi les 10 pays les moins corrompus d’Afrique. «On sait que la corruption fausse le libre marché, mais la perception joue souvent plus que la réalité. Et il se trouve que le Sénégal est perçu comme un pays où la corruption est moins grave que dans beaucoup de pays africains. Même si, c’est vrai, la réalité est différente», poursuit-il.
Cependant, El Hadji Ibrahima Mbow, le président du parti Union citoyenne bunt bi, souligne que le pays, en mettant en place une politique de bonne gouvernance et en posant une «ambition installée» pour la transparence notamment dans la gestion des ressources naturelles et surtout en créant l’Ofnac et les autres organes de contrôle, a pris une option résolue pour lutter efficacement contre ce fléau.
«Les résultats positifs sont attendus à moyen et long terme. Pour le moment, la difficulté est réelle dans la pratique et les résultats encore insuffisants à mon avis», admet-il. «Faut-il que les institutions qui luttent contre la corruption soient assez indépendantes et solides pour faire leur travail», soutient cet économiste qui estime que même si ces organes de contrôle faisaient leur travail, le pouvoir de sanction reste entre les mains des politiques. «Donc ça n’a pas de sens», dit-il.