Le Sénégal a décroché, la semaine dernière, un prêt d’un montant de 1 150 milliards de francs Cfa sur trois ans. Ce nouveau programme est articulé autour de quatre piliers. Il s’agit du renforcement de la gestion des finances publiques, de la gouvernance financière et l’amélioration du dispositif anti-blanchiment des capitaux et la lutte contre le financement du terrorisme. Il concerne également la réalisation d’une économie plus «résiliente et inclusive» et le renforcement de la résilience aux changements climatiques.
Si le gouvernement pavoise, l’économiste Mor Gassama affirme qu’il serait important de connaître les conditions de cet endettement, c’est-à-dire la durée et le taux d’intérêt. Néanmoins, cet enseignant à l’Ucad rappelle que les pays les plus riches sont pratiquement les plus endettés. Cela veut dire, selon lui, que l’endettement n’est pas une mauvaise chose en soi, mais tout dépend de ce qu’on compte faire avec les fonds. «Un endettement qui permet de financer des projets de développement, d’investir dans le capital humain ou dans la recherche en vue d’améliorer la productivité serait toujours le bienvenu», dit-il.
Mais l’ancien Premier Abdoul Mbaye redoute que cet argent ne serve à rembourser les prêts antérieurs. Autrement dit, le Sénégal ne ferait que déshabiller Paul pour habiller Jean. En effet, Abdoul Mbaye affirme que le Fmi est avant toute chose préoccupé par le remboursement de la dette extérieure. «Il faut se souvenir que le budget 2023 prévoit 1270 milliards pour l’amortissement de la dette qui augmente de 48% en un an», dit-il. Selon lui, le Sénégal n’a pas les moyens de s’en sortir tout seul. «Les 1 150 milliards vont y servir. Ce n’est pas un hasard si le Fmi cite la réduction de la dette comme une priorité. Dans les faits, cela ne sert qu’à honorer les échéances d’une dette qui ne se dégonfle pas», indique le premier chef du gouvernement de Macky Sall.
Spécialisé en hydrocarbures, le journaliste Adama Gaye accuse le chef de l’Etat de mettre le pays «en gage» en comptant sur les recettes futures de ses hydrocarbures, elles-mêmes gagées. «Macky livre le Sénégal au Fmi qui en devient le régent-propriétaire», dit-il.
Candidat à la présidentielle de février 2024, Abdoul Mbaye souligne que les autres contreparties réclamées vont dans le sens de tout ajustement structurel aux dépens des populations et non d’un réajustement de gouvernance. En clair, soutient-il, il est demandé de réduire les subventions mais non de réduire le train de vie de l’Etat ou de cesser les «distributions d’argent inconsidérées» comme récemment en faveur des lutteurs. D’après lui, le Sénégal est véritablement sous perfusion financière, pour mauvaise politique d’endettement ayant conduit à du surendettement, du gaspillage de ressources voire des scandales. «La commande publique et le soutien aux populations vont en pâtir, également le taux de croissance réelle, la baisse de la demande publique s’ajoutant à celle des ménages appauvris par les mauvaises récoltes et l’inflation», prédit le fondateur de l’Act. Et selon Abdoul Mbaye, le début des recettes de pétrole et gaz ne pourraient que légèrement atténuer cette situation. A titre d’exemple, dit-il, en 2023, face aux 1270 milliards à rembourser, la ressource pétrolière disponible est budgétisée à 35,8 milliards de francs Cfa. «Elle atteindra difficilement un peu plus de 100 milliards par an. Le gaz et le pétrole ne peuvent à eux seuls sortir le Sénégal d’un échec économique et financier, résultat de la gouvernance de Macky Sall», poursuit Abdoul Mbaye.
WalfQuotidien