Par Eliasse Bassène
Le débat relatif à la déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Ousmane Sonko, déchaîne visiblement des passions, au point de charrier au sein de la classe politique, un torrent de commentaires aussi divers que variés. Face à cette cacophonie générale, je ne peux résister à l’envie d’en rajouter une couche. Notamment en trempant ma plume, pour vous livrer ma lecture objective par rapport à cette situation pour le moins inédite.
De mon point de vue, l’argument largement défendu par les tenants du pouvoir, et subtilement distillé au sein de l’opinion commune, consistant à affirmer sans sourciller, que le Premier ministre Ousmane Sonko, ne doit pas honorer le rendez-vous républicain de son face-à-face avec nos parlementaires, parce qu’aucune disposition statutaire légale ( confère le règlement intérieur de l’Assemblée nationale) ou Constitutionnelle ne le lui astreinte, est un canular de mauvais aloi. Une sorte de feu d’artifice, sciemment allumé dans la cour avec éclats, pour détourner l’opinion publique, sur les véritables raisons du rendez-vous manqué du Premier ministre Ousmane Sonko avec les députés.
Faut-il le rappeler, la déclaration de Politique Générale du Premier ministre du Sénégal, s’est toujours déroulée dans un contexte de tensions politiques, exacerbées par les menaces de censure, souvent brandies par les acteurs de l’opposition vis-à-vis du gouvernement en place. Néanmoins, si aucun des locataires qui se sont succédé au Petit Palais, n’a jusqu’ici était emporté par la redoutable loi portant censure d’un gouvernement, c’est parce qu’ils ont tous bénéficié de la confiance des différents chefs d’État qui les ont nommés.
En 2000 par exemple, Moustapha Niass nommé Premier ministre par Abdoulaye Wade, avait fait face à la majorité socialiste. Pourtant, il était conscient du risque d’une motion de censure contre son gouvernement. Mais, Niass était à l’époque, solidement assis sur un matelas de confiance, offert par le président Wade. Censuré, il pouvait être reconduit immédiatement. Le même cas de figure va se produire en 2012, où le Premier ministre Abdoul Mbaye, nommé par le président Macky Sall, avait fait son grand oral face à la majorité libérale. Bénéficiant de la confiance absolue du président Sall, il a sacrifié à ce rituel, devant les députés du PDS, sans anicroche, ni appréhension visible. Sans doute parce qu’il savait, que quoi qu’il puisse arriver, il serait reconduit à la tête du gouvernement.
Au regard de tout ce qui précède, la question qui me taraude l’esprit à présent, est celle de savoir si l’actuel Premier ministre, en l’occurrence Ousmane Sonko, est investi de la même confiance auprès du président Bassirou Diomaye Faye? Pour apporter des éléments de réponse appropriés à cette lancinante interrogation: convoquons le processus de nomination et de la formation du gouvernement dirigé par l’apôtre du Bourok.
A peine porté à la tête du Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye, avait réservé sa première audience à Mactar Diop. Un ancien ministre sous Wade, grand orfèvre des finances publiques, actuellement en poste à la prestigieuse institution de la Banque mondiale. Nombreux sont les observateurs avisés de la scène politique sénégalaise, a avoir interprété cette démarche, comme étant une volonté non assumée du président Faye, de confier les rênes de la primature à Mactar Diop. Et quand, contre toute attente, le nom de Ousmane Sonko a retenti du haut de la primature, certains analystes politiques, avaient soutenu avec fortes convictions, que Ousmane Sonko a réussi à tordre le bras à Diomaye, pour trôner à la tête du gouvernement.
Et curieusement, depuis un certain temps, le discours rassembleur du président Bassirou Diomaye Faye, rame à contre-courant des déclarations souvent incendiaires du Premier ministre Ousmane Sonko. Cerise sur le gâteau, l’attitude étrange, adoptée par le patriote en chef, le jour de la célébration de la fête de la Tabaski au Sénégal, en dit long sur le voile épais qui entoure désormais la relation entre le président de la République et son Premier ministre.
Connu pour sa propension excessive à savourer les bains de foule, l’ancien maire de Ziguinchor, s’est abstenu volontairement de faire une apparition publique, sur un lieu de culte, aux côtés du président Diomaye, encore moins à proximité d’une autre autorité de son parti le jour de L’aïd El Kébir. Comme s’il voulait accréditer davantage la thèse d’un malaise latent au sommet de l’Etat, le Premier ministre Ousmane Sonko, n’a pas effectué le déplacement au tarmac de l’AIBD, pour accueillir le président Faye, au terme de son récent séjour en France. Autant de faisceaux d’indices concordants, qui renseignent, éloquemment, sur le degré de défiance et sur l’ambiance délétère qui règnent désormais au sommet de l’Etat, avec en toile de fond, la rupture de confiance entre les deux têtes de l’exécutif.