Souleymane Keita, enseignant à l’Ucad : «Le volume d’un budget n’a pas une grande importance sur l’économie»

Eco-Finance

Que pensez-vous du budget 2022 est projeté à plus de 5 000 milliards FCFA soit le double en dix ans du budget initial 2012 d’un montant de 2 344,8 milliards FCFA

Le budget du Sénégal est sur une dynamique haussière sur ces dix dernières années de 2012 (2 344,8 milliards) à 2022 (5 000 milliards) : La structure de l’économie nationale depuis fin 2019 à subit de plein fouet des effets liées à la pandémie du coronavirus. Les mesures du confinement et la chute brutale du prix du pétrole ont dégradé de manière très significative l’économie sénégalaise.

 La combinaison de ces facteurs internes et externes ont amené une nouvelle orientation de l’activité économique qui a été impulsée par les projets structurants inscrits dans le de plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré « PAP2A » ;Dans ce cadre, l’Etat a accordé un intérêt particulier à la promotion du secteur privé à travers la mise en œuvre des réformes, notamment : (i) la phase III du Programme de Réformes de l’Environnement des Affaires et de la Compétitivité (PREAC), la deuxième phase du « compact with africa » ; (ii) la modernisation de l’administration le Programme d’Urgence de Modernisation des Axes frontaliers(PAMA) (iii) le développement des Partenariat public privé (PPP) et ; (iv) la Stratégie de Recettes à Moyen Terme (SRMT) en vue d’une restauration des marges budgétaires. En conséquence, le Document de Programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP 2022-2024), cadre de référence pour l’élaboration de la loi de finances pour l’année 2022, s’inscrit tout naturellement dans la dynamique de relance économique et de prise en charge urgente de la problématique du sous-emploi des jeunes. Ceci Constitue le document de base du Débat d’Orientation budgétaire (DOB) entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Le DPBEP 2022-2024, comporte par ailleurs une innovation majeure avec un nouveau chapitre consacré aux risques budgétaire

2-Comment expliquez-vous cette hausse rapide ?

Un budget est un acte juridique de prévision et d’autorisation financières par lequel sont prévues et définies les recettes et les dépenses annuelles de l’État ; à la lecture du budget 2022 ; nous observons un rythme de croissance prudente du budget de 4500 milliards en 2021 à 5 000 milliards en 2022 la tendance d’évolution du budget est soutenable avec un volume des dépenses (4295 milliards) supérieur aux recettes prévisionnelles (3000 milliards) , L’impact de la pandémie sur l’exécution budgétaire s’est traduit par un ralentissement de la mobilisation des ressources, mais aussi par une forte sollicitation du levier budgétaire pour faire face aux interventions de l’Etat en termes de charges et d’investissement supplémentaires avec un taux très élevé du caractère social pour stabiliser et contrôler les tensions sociales

3-Est ce que cette hausse a un impact sur le vécu des populations ?

L’évolution de la structure de l’économie post covid -19 passera fortement par 3 phases :La première sera une phase de restructuration des grands déséquilibre ( budgétaire , social etc) qui entrainera une période de forte expansion des dépenses publiques pour soutenir les entreprises en faillite ou difficultés , réduire le taux  du  chômage et rétablir les équilibres macroéconomique La deuxième qui la  phase de stabilisation ou ajustement, l’Etat du Sénégal  s’attachera pendant cette période à promouvoir une croissance économique viable et soutenue et une réduction durable de la pauvreté. Pour assurer la stabilité macroéconomique, laquelle est de plus en plus reconnue comme un facteur essentiel à une croissance soutenue et au recul de la pauvrté. Un ajustement budgétaire avisé peut également permettre de mobiliser l’épargne intérieure, promouvoir une meilleure affectation des ressources et contribuer à la réalisation des objectifs de développement.

A contrario, un défaut de rigueur dans la politique de finances publiques peut conduire à l’inflation, à un effet d’éviction, à l’incertitude et à la volatilité qui ont tous pour effet d’entraver la croissance ; La phase de relance qui est la dernière phase Cette pandémie  a avait la double caractéristique d’être à la fois un choc de demande (le niveau de consommation des ménages a baissé de manière très significative) et un choc d’offre (les entreprises ne produisent plus car elles sont fermées). Pour y relancer l’économie sénégalaises, l’Etat doit mettre en place des mesures de soutiens à la relance des activités économiques ; Ce dispositif de relance tournera principalement autour de la reprise de la consommation en consolidant et relevant le niveau des emplois et du renouveau de la production (elle-même appuyée par le retour de la consommation).

L’année 2022 est dans la première phase décrite ci-dessus donc le budget 2022 a un caractère fortement social il faut rappeler que la pandémie a fortement affecter principalement les secteurs comme le transport, tourisme et l’éducation or dans ces secteurs des efforts budgétaires ont été remarqués ,Pour le système de transport, il connait un début de modernisation avec la réalisation, en cours des travaux du projet BRT et la poursuite du programme de renouvellement du parc de transport en commun à Dakar et dans les régions.

Pour le Tourisme et les transports aériens,  certains projets de grande envergure ont pu être mis en œuvre, avec, notamment le démarrage de la première phase du Programme de Reconstruction des Aéroports du Sénégal (PRAS) (Saint-Louis et Ourossogui-Matam), la réalisation des études préliminaires pour le PRAS II et le lancement du marché de travaux de la rénovation de l’aéroport de Cap-Skiring, le démarrage des travaux de l’Académie internationale des Métiers de l’Aviation civile (AIMAC). Les actions de renforcement de la sûreté et de la sécurité de l’aviation civile ont été poursuivies avec la confirmation du taux de conformité de 95,4% (organisation nationale) et 87% (mise en œuvre aéroportuaire), tandis que l’amélioration du Service d’Information climatique (SIC) et la réhabilitation des stations météorologiques (bâtiments et parc) se sont consolidés.

Pour la Jeunesse, dans le cadre de la promotion de l’emploi et de l’entreprenariat des jeunes, il faut noter avec l’ANPEJ, les réceptions provisoires des fermes de Silane, Mbilor et Léona. En outre, le centre d’incubation du lait de Linguère est déjà opérationnel tandis que ceux de Richard-Toll (fruits et légumes), de Tambacounda (Bois) et de Birkilane (Sel) sont en attente de réception. A noter également, la présentation de 15 projets d’insertion socioéconomique au Programme de promotion de l’emploi des jeunes de la CONFEJES, qui ont tous été sélectionnés et subventionnés pour un montant global de 21 620 000 FCFA en collaboration avec l’ADPME et le PNUD avec l’identification de jeunes vulnérables qui ont bénéficié d’un appui de 750 000 000 FCFA du projet d’Appui au secteur productif des groupes vulnérables dans les localités de Mont-Rolland, Sandiara, Ndiaffate, Ndiob et Bargny

Autrement dit, est ce que le niveau de vie des populations a augmenté en dix ans ?

Deux ménages disposant du même revenu peuvent se trouver dans des situations financières très différentes, en fonction par exemple de leur taille ou de l’âge de ceux qui les composent. Pour prendre en compte la structure des ménages, on considère le nombre d’unités de consommation qui le constitue. A partir d’un facteur de proportionnalité, lié à la composition du ménage, on définit le niveau de vie, comme le revenu disponible par unité de consommation. En définitive une hausse du budget ne signifie pas forcément amélioration du niveau de vie d’ailleurs une étude du PNUD en 2020 sur l’impact socio-économique de la pandémie de la covid-19 montre qu’au Sénégal que 40% des actifs travaillent dans des secteurs impactés par la pandémie du COVID-19 (Commerce de détail, hôtels, restaurants, industrie de fabrication). Il est, dans ce cadre, attendu une hausse du taux de chômage global de respectivement, 0,20% et 0,15% en 2020 et 2021.

A cet égard, si on considère que le revenu du travail représente, en moyenne, 67% du revenu des ménages au Sénégal, il devient évident que cette crise de l’emploi aura un impact considérable sur le bienêtre des ménages. L’enquête sur la crise du COVID-19 au Senegal établit dans ce cadre que, 86,8 % des ménages déclarent que leurs revenus au cours des sept derniers jours ont été inférieurs à la normale (avril 20). Ce pourcentage ne varie pas de manière significative entre Dakar (83,8%) et le reste du Sénégal (87,8%)  donc l’effet de cette augmentation des budgets sur le niveau des vies dépendra des effets des politiques de relances sur la structures de la consommation et la reprise de la production agrégatif  dans la création de l’emploi gage du bien-être social

Etes-vous d’accord avec l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye qui affirme que le gouvernement «construit sa gloriole en performances budgétaires par l’augmentation des dépenses plutôt que par celle des recettes avec maîtrise du déficit » ?

Le problème selon moi ne situe pas sur la qualification des actes posés mais plutôt de savoir es que les actes poses sont soutenables et opportuns il faut rappeler que cette crise sanitaire actuelle est totalement différente de toutes celles qui l’ont précédée. De par la vitesse de la propagation de la contamination humaine et de son amplitude, elle est même plus dévastatrice que les catastrophes naturelles, telles que sécheresse et inondation, qui constituaient jusqu’ici le tribut douloureux que notre pays payait, de temps en temps à la nature.  Toutefois, la pandémie COVID-19 représente une onde de choc, pas à cause de son taux de létalité, mais par l’extrême contagiosité́ du virus qui ne peut être contenue qu’au prix d’une réorganisation des rapports sociaux, dans le sens de leur restriction, entrainant la paralysie d’un grand nombre d’activités économiques. Donc le retour à la normale demande un grand sacrifice budgétaire sur une longue période

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